Décision No. 6/2014
Le Conseil constitutionnel
Réuni en son siège le 6/8/2014 sous la présidence de Issam Sleiman, et la présence du vice-président Tarek Ziadé et des membres MM. Ahmad Takieddine, Antoine Messarra, Antoine Khair, Zaghloul Attié, Toufic Soubra, Souheil Abd el-Samad, Salah Moukheiber et Muhammad Bassam Murtada.
En conformité avec l’art. 19 de la Constitution.
Et après examen du dossier de la saisine, des documents joints et du rapport du rapporteur daté du 21/7/2014.
Considérant que les députés susmentionnés ont présenté un recours inscrit au registre du Conseil le 11/7/2014 visant à la suspension de la mise en application de la loi sur les loyers publiés à l’Annexe
no 27 du Journal officiel du 26/6/2014 et à son invalidation,
Considérant que les députés requérants soulèvent les motifs suivants :
Suivent ici les motifs soulevés par les requérants. Cf. éventuellement le texte original arabe de la Décision, publiée dans l’Annuaire, vol. 8, 2014.
Sur la base de ce qui précède :
A. En la forme
Considérant que la saisine, présentée par dix députés dans le délai fixé par le dernier alinéa de l’article 19 de la loi no 250/1993, réunit toutes les conditions de forme, et est donc recevable en la forme.
B. Dans le fond
1. De la demande d’invalidation pour violation des règles de promulgation et de publication
Considérant que la promulgation constitue la preuve officielle de l’existence de la loi votée par le Parlement, avec la signature du Président de la République, en vue de sa mise en vigueur.
Considérant que la promulgation, en vertu des articles 51 et 56 de la Constitution, est un droit attribué au Président de la République.
Considérant que la Constitution distingue entre promulgation (isdâr) et publication (nashr), puisqu’il est spécifié dans les articles 51 et 56 : « Le Président de la République promulgue les lois (…) et en demande la publication ».
Considérant que la publication au Journal officiel constitue la déclaration publique d’entrée en vigueur de la loi par suite de sa promulgation.
Considérant que la Constitution, avant son amendement en 1990, traite dans les articles 51, 56 et 57 de la publication, sans signaler la promulgation, et que la publication sous-entendait la promulgation, car le principe constitutionnel est la promulgation et non la publication qui survient ultérieurement, et que le terme publication (nashr) résulte d’une erreur de traduction de promulgation (isdâr), erreur rectifiée dans les amendements de 1990.
Considérant que la Constitution attribue dans l’article 57 au Président de la République le droit absolu de renvoi de la loi à la Chambre des députés pour un nouvel examen dans la limite du délai de promulgation et pour une seule fois.
Considérant que le Président de la République n’a pas promulgué la loi contestée, et ne l’a pas renvoyée à la Chambre des députés dans le délai d’un mois fixé par la Constitution.
Considérant que la loi contestée devient d’office exécutoire, en date du 9/5/2014, en conformité avec le dernier alinéa du l’art. 57 de la Constitution.
Considérant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 5/2014 du 13/6/2014, a décidé que la loi objet du recours n’était pas exécutoire à la date de sa publication au Journal officiel le 8/5/2014, car le délai n’avait pas encore expiré.
Considérant que la loi contestée a été republiée au Journal officiel le 26/6/2014.
Considérant qu’en cette date de publication, la loi est devenue exécutoire d’office en vertu de l’art. 57 de la Constitution.
Considérant que le processus constitutionnel de législation commence avec le projet de loi ou proposition de loi et s’achève avec la promulgation par la Président de la République.
Considérant que le délai mensuel fixé par la Constitution pour le Président de la République pour la promulgation des lois ou le renvoi à la Chambre des députés a expiré le 8/5/2014 et que la loi contestée est devenue exécutoire le 9/5/2014 en vertu de l’article 57 de la Constitution.
Considérant qu’il n’est pas impératif sur la base de la décision du Conseil no 5/2014 du 13/6/2014 que la loi soit à nouveau promulguée, du fait qu’elle est exécutoire d’office après l’expiration du délai d’un mois fixé par la Constitution pour la promulgation des lois ou le renvoi à la Chambre des députés, et qu’il n’est plus nécessaire que le Président de la République assure la promulgation, la publication étant devenue impérative.
Considérant que l’expression « doit être publiée » (wujiba nashruhu) dans le dernier alinéa de l’article 57 de la Constitution signifie d’office qu’il n’est plus nécessaire que le Président de la République demande la publication de la loi à l’instar de la promulgation en application de l’article 56 de la Constitution.
Considérant que la publication de la loi, en vertu du dernier alinéa de l’article 57 de la Constitution est impérative et relève de l’autorité responsable de la publication, à savoir la Présidence du Conseil des ministres dont relève le Journal officiel.
Aussi les motifs relatifs à la promulgation et à la publication sont irrecevables.
2. De la demande d’invalidation pour cause de vote de la loi par article unique
Considérant que la Constitution ne dispose pas dans son article 36 que le vote des lois s’opère article par article, mais détermine le processus du vote des lois, l’octroi de la confiance au gouvernement et les procédures électorales au sein de la Chambre des députés, alors qu’il est expressément spécifié dans l’article 83 que le vote du budget s’opère article par article.
Considérant que le Règlement intérieur de la Chambre des députés dispose dans l’article 81 que le vote des projets de loi s’opère article par article et à main levée et qu’après le vote des articles, l’ensemble du projet est soumis au vote par appel nominal.
Considérant que le Règlement intérieur de la Chambre des députés exige aussi dans l’article 82 le vote alinéa par alinéa du même article et, dans ce cas, sans vote de l’article dans son ensemble.
Considérant que la loi contestée a été votée à la Chambre des députés par article unique en violation de l’article 81 du Règlement intérieur de la Chambre des députés et non en violation de la Constitution.
Aussi le motif sur ce point est irrecevable.
3. De la demande d’invalidation pour incompatibilité avec la justice sociale et l’égalité
Considérant que l’approche constitutionnelle de la loi sur les loyers, loi qui concerne la plus large composante de la société libanaise, est liée aux politiques publiques économiques et sociales et soulève en doctrine des principes fondamentaux.
Considérant que la loi se heurte par essence à des limites quant au règlement de tous les problèmes de société, surtout quant à l’effectivité du droit, si la loi n'est pas accompagnée de politiques publiques concrètes de soutien.
Considérant que tout droit comporte par essence des limites, et que l’éventuel abus de droit englobe tout droit sans exception, et le droit de propriété et de logement en particulier, et que ce qui découle de plus de soixante-dix ans constitue une limitation continue au droit de propriété à travers des lois d’exception en violation continue de la liberté contractuelle.
Considérant que le contrat de location relève de la sphère du droit privé et qu’il ne sied pas d’appliquer les principes du droit public aux contrats de location sauf dans la limite étroite des rapports avec l’intérêt général.
Considérant que la limitation du droit de propriété est circonscrite à l’exigence de l’intérêt général qui se borne à ce qui suit, en ce qui concerne la propriété : les normes cadastrales et d’ingénierie dans le lotissement, le remembrement et la construction ; l’expropriation en contrepartie d’une indemnisation équitable et en faveur d’infrastructures publiques ; les normes de l’urbanisme, la sécurité publique, la sauvegarde du patrimoine architectural et culturel, et la conformité aux règlements municipaux quant aux exigences d’entretien et de restauration, et donc sans limitation quant aux principes contractuels généraux, à la liberté contractuelle et à l’équilibre dans la théorie générale du contrat.
Considérant que la loi contestée assure des délais raisonnables pour la rectification de la situation de loyers anciens et institue un processus progressif pour le règlement juridique de situations de fait cumulées depuis plus de soixante-dix ans.
Considérant que la loi contestée conduit, dans des délais ultimes, au rétablissement de l’exercice des normes contractuelles générales du contrat par rapport à l’ensemble des contrats locatifs d’habitation.
Considérant que les lois exceptionnelles successives sur les loyers au Liban depuis près de soixante-dix ans constituent un cas significatif d’une réalité inappropriée quant aux normes juridiques, la finalité du droit étant la régulation des rapports sociaux, la garantie et la protection des droits en conformité avec les normes des Chartes internationales des droits de l’homme.
Considérant que la violation de principes contractuels généraux, dans un domaine vital quotidien relatif à la propriété et au logement, est source de conflits entre les citoyens et de perturbation dans les relations de proximité, et par suite source de menace en profondeur pour la paix sociale, ce qui justifie en conséquence le besoin de rétablissement de l’autorité des normes dans le système juridique contractuel.
Considérant que la loi sur les anciens loyers d’habitation est une loi spéciale, bien plus qu’une loi exceptionnelle, en raison de sa continuité après sa mise en vigueur exceptionnellement suite à la deuxième Guerre mondiale en raison de la pénurie de logement et la baisse de l’offre, ce qui explique la perception du locataire limitativement et de manière absolue comme victime, le règlement du problème du logement aux dépens du propriétaire et l’évasion des propriétaires fonciers de la location pour habitation en faveur de la construction pour la vente.
Considérant que la protection exagérée se répercute souvent négativement sur son bénéficiaire.
Considérant que l’acte contractuel se caractérise par deux éléments : le premier étant subjectif, et constitue l’accord de deux volontés ou plus, et le second élément étant objectif, et se manifeste par l’intérêt et l’équité, dont découle l’obligation de sécurité juridique et la coopération, et que la justice implique l’effectivité du droit.
Considérant que le droit à un logement approprié en conformité avec les Chartes internationales implique une obligation non à l’égard du propriétaire, mais à l’égard des pouvoirs publics par l’adoption de politiques publiques socio-économiques en matières de logement, de développement harmonieux et de transport public, surtout au Liban où un transport public commun régulier stimule le logement dans les différentes régions, évite la ruralisation des villes et la perturbation du tissu urbain démographique et social.
Considérant que la loi contestée revêt la qualité de loi-programme, du fait qu’elle comporte des dispositions corrélatives à travers l’institution de normes juridiques, de mécanismes multiples et temporellement échelonnés d’application pour le règlement d’une situation qui n’est pas exclusivement légale, mais à la fois économique, sociale et accumulée dans le temps, en vue de concilier entre des droits contradictoires, ce qui implique l’approche exhaustive de tous ses éléments multiples et complémentaires pour le contrôle de constitutionnalité, en partant du principe que toute législation est par essence inapte à régler toutes les réalités.
Pour toutes ces considérations, la loi est compatible avec les normes constitutionnelles quant à son rétablissement des principes du droit de propriété en faveur des anciens propriétaires et des principes généraux de la théorie des contrats.
Considérant que le droit au logement est un droit constitutionnel fondamental en vertu des Chartes internationales et de jurisprudences constitutionnelles constantes.
Considérant que l’alinéa C du Préambule de la Constitution dispose que le Liban est une République démocratique parlementaire basée sur la justice sociale et l’égalité des droits et devoirs entre tous les citoyens sans discrimination ni préférence.
Considérant que l’alinéa G du Préambule dispose que le développement équilibré des régions sur les plans culturel, social et économique est un fondement de l’unité de l’Etat et de la stabilité du régime.
Considérant que la démocratie, qui ne se limite pas aux droits politiques et civils, englobe pour sa réalisation des droits économiques et sociaux pour les citoyens.
Considérant que le but du développement harmonisé des régions exige la justice sociale et son extension à tous les citoyens et l’existence des conditions d’une vie digne.
Considérant que le logement est l'une des premières exigences d'une vie digne.
Considérant que la justice sociale nécessite la garantie d'un logement approprié à tout citoyen.
Considérant que le logement est la première exigence de l'institution d'une famille et de la pérennité du foyer.
Considérant que les droits à constituer une famille et au logement sont des droits énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle le Liban s’est engagé dans le Préambule de la Constitution.
Considérant que le logement est un facteur de lien avec le sol et par suite à la patrie.
Considérant que le logement est facteur de stabilité psychologique et sociale et de sécurisation, et une condition fondamentale de la paix sociale.
Considérant que la finalité de la Constitution est l’organisation des rapports en société, régie par l’Etat, pour garantir aux citoyens la stabilité et la paix, dont le logement constitue un élément principal.
Aussi la garantie d’un logement au citoyen constitue un objectif à valeur constitutionnelle dont il appartient aux pouvoirs législatif et exécutif de déterminer les politiques et d’élaborer les lois qui en assurent la réalisation, sans se borner à élaborer une loi régissant les rapports entre locataire et propriétaire.
Considérant que l’organisation de cette relation relève du pouvoir législatif à qui il revient l’appréciation, et l'opportunité de la législation ne relève donc pas de la compétence du juge constitutionnel, toutefois il n’est pas loisible au législateur d’outrepasser les garanties constitutionnelles et, de la sorte, les lois demeurent soumises au contrôle de la magistrature constitutionnelle en vue de la sauvegarde de ces garanties.
Considérant qu’il appartient au pouvoir législatif de concilier dans les législations entre le droit de propriété et le droit au logement à travers une justice proportionnelle qui comporterait inévitablement des lacunes et failles dans ses moyens et ses applications.
Considérant que la loi contestée a été établie en vue de la réalisation d’une justice proportionnelle.
Considérant que la discrimination préférentielle dans une situation où le privilège est amplifié constitue une violation du principe d’égalité.
Considérant que la dichotomie entre propriétaire et locataire justifie par sa nature et son poids la différence de traitement.
Considérant que l’égalité implique qu’aucun groupe ne bénéficie d’un avantage exagéré et qu’un groupe ne soit pas astreint à un sacrifice majeur découlant d’une loi générale.
Considérant que le principe d’égalité implique des principes spécifiques à chaque situation et dans des cas de discrimination positive en vue de rectifier une situation sociale, particulièrement pour garantir la participation à la vie publique et non dans des affaires relatives au droit de propriété et au droit au logement.
Considérant que la loi contestée se propose d’apporter un règlement équilibré entre des intérêts divergents, dans des situations défavorables et cumulées et qui par essence ne sont pas le plus souvent ni juridiques ni constitutionnelles, ce qui exige une approche constitutionnelle globale.
Considérant qu'une loi rationnelle et conciliant des intérêts divergents, pourrait limiter des droits constitutionnels, mais dans un but nécessaire et raisonnable, fondé sur des valeurs et des normes, à travers une approche en termes de proportionnalité.
Considérant que la justice proportionnelle entre des intérêts contradictoires est soumise à quatre conditions : un objectif légitime et d’intérêt légitime, la réalisation du but envisagé ou au moins la contribution à sa réalisation, la nécessité, et l’équilibre quant au coût et les bénéfices.
Considérant que l’équilibre entre les intérêts exige la comparaison de ces intérêts en vue de dégager le résultat raisonnable et de réaliser l’équilibre dans chaque cas controversé, et de déterminer les avantages de chaque option en termes de droit et en tenant compte des circonstances particulières de chaque situation.
Considérant que tout équilibre est inhérent à un degré acceptable de sacrifice, lequel dans des situations complexes et enchevêtrées, constitue une concrétisation des principes des droits de l’homme.
Aussi les motifs soulevés en ce qui concerne l’incompatibilité de la loi avec la justice sociale et l’égalité sont irrecevables.
4. De la demande d’invalidation de la loi pour incompatibilité avec la sécurité juridique et les droits acquis
Considérant que la sécurité juridique n’implique pas la fixité de situations établies, mais la prise en compte de ces situations en vue d’une législation temporalisée qui contribue au transfert vers une situation juridique plus équitable et conforme aux normes contractuelles générales.
Considérant que la sécurité juridique ne crée pas un droit acquis dans le cadre de lois exceptionnelles sur les loyers, du fait que la confiance légitime inhérente à l’exigence de sécurité juridique exige fondamentalement une légitimité fondée sur une situation juridique équitable dans la relation contractuelle, et non la simple existence de textes exceptionnels successifs qui prorogent d’anciens contrats locatifs.
Considérant que la relation contractuelle non équilibrée entre anciens propriétaires et locataires et qui s’est longtemps prolongée, ne justifie pas la référence à l’obligation de confiance légitime car son caractère non équilibré sur le plan contractuel constitue un cas d’abus de confiance.
Considérant que l’obligation de sécurité juridique ne s’applique pas au cas présent pour quatre motifs au moins :
- La sécurité juridique doit être générale et non à l’avantage d’une partie aux dépens de l’autre, ce qui entraîne la sécurisation d’une partie aux dépens de l’insécurité de l’autre.
- La sécurité juridique exige la conformité à des conditions légales ne découlant pas de lois exceptionnelles, bien que continues, lois par nature circonstancielles.
- La confiance légitime se fonde sur la confiance qui est par nature relationnelle, et donc dépourvue d’exploitation ou de préjudice et aussi sur la légitimité et non simplement la légalité.
- La sécurité juridique et la confiance légitime exigent du bénéficiaire l’exercice par lui-même aussi de la sagesse face à l’éventualité de changement de législation.
Considérant que la relation entre anciens propriétaires et locataires, si elle se caractérise par le déséquilibre et le défaut d’équité, ne peut être régie en dépit de sa longue continuité par les notions de sécurité juridique et de confiance légitime, mais en ce qui concerne le bénéficiaire par les exigences de prévisibilité, de prudence et de disponibilité à des mutations.
Considérant que la mutation dans les contrats locatifs anciens se trouve accompagnée de délais au cours desquels les concernés pourraient s’adapter au nouveau contexte juridique, avec l’adoption de normes progressives quant au calcul du loyer équitable, passant ainsi à une nouvelle étape où les normes contractuelles générales sont rétablies ainsi que la liberté contractuelle par rapport aux anciens loyers.
Aussi les motifs relatifs à l’incompatibilité de la loi avec la sécurité juridique et les droits acquis sont irrecevables.
5. De la demande d’invalidation pour inconstitutionnalité de la Commission d’évaluation à caractère juridictionnel
Considérant que la qualité juridictionnelle de la Commission se dégage de la formation de cette Commission, des conditions exigées de ses membres et ses garanties et des règles de son fonctionnement pour le règlement des litiges qui lui sont soumis.
Considérant que la loi contestée confie le règlement du litige relatif à la valeur locative (badal al-mithl) à une Commission formée, en vertu de l’art. 7, d’un magistrat actif ou à la retraite en tant que président et de quatre membres, représentatifs respectivement des propriétaires, des locataires, du ministère des Finances et du ministère des Affaires sociales, avec un caractère juridictionnel.
Considérant qu’il n’est pas licite au législateur d’accorder la qualité juridictionnelle à toute commission, tant qu’elle ne remplit pas les conditions propres à lui octroyer le caractère juridictionnel, concernant les conditions requises pour ses membres en vue de régler des litiges de nature judiciaire et en ce qui concerne l’indépendance requise de ses membres et leur immunité en vue de statuer sur des litiges avec indépendance, neutralité, objectivité et équité et quant aux procédures de règlement et de prise de décision.
Considérant que le législateur peut former des commissions mixtes administratives ou techniques ou disciplinaires ayant la qualité juridictionnelle pour trancher des litiges et conflits juridictionnels et prendre des mesures administratives ou techniques ou disciplinaires, sous condition d’assurer les garanties aux plaignants ou requérants, et que soient clairement précisées les procédures en vue du règlement du conflit et qu’il soit possible de pourvoir à l’encontre des décisions pour rectifier des erreurs matériels ou juridiques, en conformité avec les principes constitutionnels généraux, lesquels sont proclamés par la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’art. 2, déclaration devenue partie intégrante de la Constitution.
Considérant qu’il faut analyser avec précision le caractère juridictionnel de la Commission formée par la loi contestée à la lumière des normes constitutionnelles précitées.
Considérant que la Commission, telle que prévue par l’art. 7 de la loi contestée, ne remplit pas les conditions de la qualité judiciaire quant à sa formation, sauf par son président, alors que pour les autres membres la loi ne précise pas les qualités qui leur permettent de trancher des litiges de nature juridictionnelle, à savoir le litige sur la valeur locative, alors que le législateur aurait pu déterminer la qualité des membres dans la loi contestée.
Considérant que la loi contestée n’a pas prévu des garanties quant aux membres de la Commission à caractère juridictionnel, et dont un membre est délégué par le ministère des Finances et un autre par le ministère des Affaires sociales, et que le membre délégué ne jouit pas de l’indépendance suffisante puisque ses qualifications ne sont pas précisées alors que la personne habilitée à trancher judiciairement un litige doit jouir de l’indépendance et des garanties nécessaires en vue de cette indépendance.
Considérant que la loi prévoit la désignation de deux membres dont l’un représente les propriétaires et l’autre les locataires.
Considérant que le représentant doit exprimer la volonté du représenté pour qu’il ait un caractère représentatif, alors que la loi n’a reconnu aucun rôle aux propriétaires et locataires pour le choix de ceux qui vont les représenter, et que, s’il est logique que le ministre de la Justice propose le nom du magistrat et que chacun des deux ministres des Finances et des Affaires sociales propose le nom du délégué pour représenter son ministère, il n’est pas logique que des ministres proposent des noms de représentants de propriétaires et de locataires sans détermination des caractéristiques et conditions, sachant que l’art. 7 de la loi est imprécise en ce qui concerne lequel des ministres susmentionnés propose les noms des représentants des propriétaires et locataires dans la Commission.
Considérant que le règlement des litiges à caractère juridictionnel implique l’adoption de procédures spécifiques à respecter dans la prise de décision, alors que la loi n’indique aucune procédure, à l'exclusion de l’adoption des procédures civiles de notification du locataire et du propriétaire pour qu’ils se présentent devant la Commission et sans détermination de la majorité requise pour la prise de décision.
Considérant que la célérité dans le règlement du conflit ne justifie pas la formation de commissions à caractère juridictionnel sans que celle-ci ne remplisse les conditions requises.
Considérant qu’il est loisible de former des commissions à caractère juridictionnel remplissant les conditions quant à leur composition et la procédure suivie pour la prise de décision, avec la détermination d’un délai court pour trancher rapidement le litige.
Considérant que la formation de commissions à caractère juridictionnel sans détermination des conditions précitées résulte dans la violation du droit de recours à la justice et porte atteinte aux garanties dues aux justiciables.
Considérant que la propension du pouvoir législatif à former des commissions à caractère juridictionnel, sans se conformer aux conditions ad hoc et la formation de ces commissions de la part du pouvoir exécutif constituent une violation du principe de séparation des pouvoirs, de leur équilibre et de leur coopération.
Considérant que la loi contestée a immunisé les décisions rendues par une Commission elle-même non fondamentalement immunisée, rendant ses décisions finales sans être susceptibles d’aucun recours.
Considérant que le droit de recourir à la justice à plus d’un degré constitue une garantie aux justiciables leur évitant les erreurs de jugement.
Considérant que s’il est licite au législateur de limiter à un degré le droit à la justice en raison de son pouvoir d’appréciation, son option dans ce domaine doit se fonder sur une donnée objective qui relève de la nature du litige et de la spécificité des droits litigieux, que le degré unique soit une instance judiciaire ou un organe juridictionnel jouissant des garanties, et que la décision du législateur à cet égard demeure soumise au contrôle de la magistrature constitutionnelle.
Considérant que la Commission ne satisfait pas aux normes de la fonction juridictionnelle et qu’il n’est pas licite de lui octroyer le règlement d’un litige de nature juridictionnelle et que si le législateur s’est autorisé cela en violation des normes constitutionnelles, il n’est pas licite que les décisions ne soient susceptibles d’aucun recours et d’interdire aux justiciables le bénéficie et les moyens garantissant leurs droits.
Considérant que la jurisprudence de la magistrature constitutionnelle est constante à propos des commissions à caractère juridictionnel en exigeant des moyens de recours appropriés, ce qui découle de la décision du Conseil constitutionnel no 5/2000 du 27/6/2000 quand le Conseil a invalidé les dispositions juridiques empêchant les magistrats traduits en Conseil de discipline, organe à caractère juridictionnel, d’interjeter recours contre les décisions les concernant, ce qui a amené le législateur à déterminer les voies de recours appropriées.
Pour ces motifs, les dispositions dans la loi contestée et relatives à la Commission, et limitativement les articles 7, 13, et 18 alinéa B-4, sont contraires à la Constitution.
Pour ces motifs
Et après délibération,
Le Conseil constitutionnel décide à la majorité :
Premièrement- En la forme :
La recevabilité du recours présenté dans le délai légal et remplissant toutes les conditions formelles.
Deuxièmement- Dans le fond
1. L’irrecevabilité du recours en ce qui concerne les motifs relatifs à la promulgation et à la publication de la loi et à son vote par article unique, et en ce qui concerne la justice sociale, l’égalité, la sécurité juridique, les droits acquis et la liberté contractuelle.
2. L’invalidation des articles 7 et 13 et l’alinéa B-4 de l’article 18 de la loi.
3. La notification de la décision aux autorités compétentes et sa publication au Journal officiel.
Décision rendue le 6/8/2014
Avis dissidents
Muhammad Bassam Murtada, Antoine Messarra,
Salah Moukheiber
Tout en partageant avec la majorité l’irrecevabilité du recours en invalidation de la loi sur les loyers du 8/5/214, publiée à l’Annexe du Journal officiel no 27 du 26/6/2014, nous nous opposons à la décision de la majorité et exprimons notre dissidence quant aux clauses relatives à l’invalidation de la Commission et des dispositions y relatives qui lui reconnaissent un caractère juridictionnel, et cela pour les motifs de dissidence suivants:
Considérant qu’il convient dès le départ de relever que la Commission créée par la loi sur les loyers contestée est, comme souligné expressément dans son art. 7, une Commission à caractère juridictionnel formée d’un magistrat en exercice ou à la retraite en tant que président, et de quatre membres, l’un représentant les propriétaires, l’autre les locataires, un délégué du ministère des Finances et un délégué du ministère des Affaires sociales, commission qui agit en conformité avec des procédures et moyens juridiques régis par cette loi.
Par conséquent, il appert en second lieu que la Commission siège en des lieux fixés par le ministère de la Justice, à laquelle se rattache un rédacteur et un huissier et tient ses réunions durant ou hors de l’horaire officiel.
Et d’où il appert, en troisième lieu, en vertu de l’art. 18, que l’opération de détermination de la valeur locative et le processus de sa fixation et de la décision s’opèrent par accord amiable et, en cas de divergence, par le canal de la Commission dont les décisions sont finales et non susceptibles de recours.
Considérant que les requérants réclament l’invalidation de l’art. 7 de la loi pour violation des articles 7, 8 et 20 de la Constitution et aussi des Conventions internationales et relèvent que la Commission composée en majorité de non magistrats et que, en vertu de l’article 20 de la Constitution, elle ne jouit pas d’un caractère juridictionnel et est incompatible avec l’article 20 précité qui dispose que l’autorité judiciaire relève de tribunaux à plusieurs degrés et spécialités… et que les requérants réclament l’invalidation des articles 18, 19 et 21 de la loi pour inconstitutionnalité, à savoir son incompatibilité avec le principe d'ester en justice à deux degrés prévu dans la Charte des droits de l’homme et la Constitution libanaise et au droit de recours judiciaire en vertu de l’art. 20 de la Constitution.
Considérant que l’examen du recours dans cette perspective exige l’étude successive des points légaux et constitutionnels suivants :
A. La qualification de la Commission.
B. L’incompatibilité de sa formation, de sa fonction et de ses procédures avec l’article 20 de la Constitution.
C. Le degré d’autorité du Conseil constitutionnel pour s’opposer à la formation par le pouvoir législatif de commissions et des fonctions et procédures de celles-ci.
D. La nature des décisions des commissions.
A. De la qualification de la Commission
En vertu de l’article 7 de la loi sur les loyers, la Commission est formée d’un magistrat actif ou à la retraite en tant que président, et de quatre membres, l’un représentant les propriétaires, un autre les locataires, et les deux autres sont délégués par le ministère des Finances et le ministère des Affaires sociales, ce qui signifie que les deux premiers présentent les ayants droits dans la relation locative et les deux autres représentent les deux ministères des Finances et des Affaires sociales en raison de leur relation avec la Caisse de financement alimentée et gérée par la Direction du Budget au ministère des Finances et pour leur rapport avec l’environnement social et les politiques de l’habitat en vue de l’exécution de la loi (articles 3, 4, 5, 6 et suivants de la loi).
Considérant qu’il appert de l’article 8 et suivants de la loi qu’il revient à la Commission de vérifier par les moyens adéquats si le bénéficiaire de la Caisse de financement remplit les conditions requises et qu’elle lui revient de convoquer les parties pour une audience en vertu d’un préavis notifié en conformité avec les procédures civiles et que la Commission proclame sa décision… et en détermine les effets par la détermination du revenu moyen mensuel du bénéficiaire.
Considérant qu’en vertu de l’article 18, en l'absence d'un accord à l’amiable sur la détermination du juste loyer, chacun des propriétaires et locataire recourt à la Commission pour le règlement du litige, en joignant une copie des deux rapports et documents, y compris des copies et documents de notification et que la Commission prononce une sentence motivée, finale et qui n'est susceptible d’aucun recours.
Considérant connu que la commission administrative (comme le cas de la présente Commission), a un caractère juridictionnel, sans la présidence nécessaire par un magistrat, car cette qualité n’est pas générée exclusivement par sa présidence judiciaire, mais aussi d’autres conditions qui découlent des modalités de sa composition, de son travail, de ses procédures et de la nature de ses décisions, son action consistant à régler des litiges qui relèvent de sa compétence…, règlement qui exige l’application des procédures de jugement en ce qui concerne les audiences, la notification, l’interrogatoire, l’enquête et la production d’une décision exécutoire sans l’approbation de l’autorité administrative et le recours éventuel au Parquet général en cas de fraude (article 12). Cf. l’arrêt du Conseil d’Etat libanais no 821 du 14/6/1966 dans le procès 62/1001, Makdesi/c Etat libanais, président Oueidate et les conseillers Noun et Abboud,
Considérant clairement que la Commission remplit toutes les conditions qui la rendent administrative avec un caractère juridictionnel, et donc pleinement différente de ce qui est prévu à l’article 20 de la Constitution.
Considérant que pour cerner tous les aspects du problème, il convient de citer la Commission d’enquête pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, régie par la loi no 318 du 20/4/2001, amendée par la loi no 547 du 20/10/2003, commission indépendante à caractère juridictionnel et non soumise dans l’exercice de ses fonctions à l’autorité de la Banque centrale, bien que son président soit le gouverneur de la Banque centrale, et que cette commission dispose d’un organisme de contrôle pour l’exécution des obligations qui incombent aux banques, et qu’on ne peut se prévaloir du secret bancaire, commission qui prend des décisions importantes dont le blocage du compte suspect, entreprend des investigations et prononce une décision finale notifiée au Procureur général.
B. De l’incompatibilité de la Commission, de son action et de ses procédures avec l’article 20 de la Constitution
Les Requérants reprochent à la Commission l’attribution du caractère juridictionnel en contradiction avec la Constitution et la reconnaissance du droit de régler des litiges en violation de l’article 20 de la Constitution qui confie le pouvoir judiciaire exclusivement aux tribunaux, ainsi que la reconnaissance de son droit de décision finale sans autre voie de recours (article 13 de la loi).
Considérant qu’il appert que la Commission est administrative à caractère juridictionnel, remplissant toutes les conditions ad hoc et de ce fait n’est pas judiciaire.
Considérant que l’article 20 de la Constitution libanaise, dans la deuxième partie relative aux pouvoirs, traite du pouvoir judiciaire qui relève des tribunaux dans le cadre du régime légal ad hoc assurant aux juges et aux justiciables les garanties nécessaires.
Considérant que le fossé entre les tribunaux, leurs compétences et leurs juges, et entre les commissions administratives à caractère juridictionnel remplissant une activité qui leur est confiée, est fort large pour trancher des litiges de spécialité et compétence, ce qui signifie le défaut d’incompatibilité entre l’article 20 de la Constitution et la formation de la Commission, son action et ses attributions, alors que la différence est tranchante entre le pouvoir judiciaire prévu dans la Constitution et le caractère juridictionnel de la Commission administrative à laquelle le législateur en vertu de son pouvoir d’appréciation lui a reconnu le droit de régler des litiges nés de la relation locative.
En conclusion, le travail des tribunaux diffère radicalement de l’action des commissions.
C. Du pouvoir du Conseil constitutionnel de contrer la création de commissions par le pouvoir législatif et de leurs procédures et décisions
La formation de commissions dans la loi sur les loyers, depuis fort longtemps (les conseils arbitraux de travail, les commissions d’expropriation, les commissions d’arbitrage dans le décret législatif no 7/77, les commissions d’assurance et d’autres commissions mixtes à caractère juridictionnel) relèvent du pouvoir d’appréciation de la Chambre des députés et non du Conseil constitutionnel outrepassant son domaine (organe constitutionnel à caractère juridictionnel) qui ne déborde pas l’action des commissions en conformité avec la Constitution pour garantir les droits de la défense aux justiciables, le droit de recours aux tribunaux, et les garanties des juges et des justiciables et la protection du fondement des droits.
Considérant que le contrôle constitutionnel se manifeste en cas d’opposition entre la loi et la Constitution, la mention du pouvoir judiciaire dans l’article. 20 de la Constitution n’étant pas suffisante pour reconnaître au Conseil constitutionnel le pouvoir d’opposition au législateur et considérer nulles les commissions.
Considérant que pour un surplus d’examen, le défaut d’indication du rang du magistrat président de la Commission et des noms des délégués et de leur rang et des noms des représentants des propriétaires et locataires ne nuit pas à la validité de la formation de la Commission créée par une loi, alors que les détails n’ont pas rang de constitutionnalité et que l’organisation dépendra d’un décret à paraître deux mois après la mise en vigueur de la loi (article 7) attribuant aux président et membres la nomination et le rang.
Quant à dire qu’il y a empiètement du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire du seul fait de l’existence d’un délégué des Finances et d’un autre des Affaires sociales, il ne mérite pas de s’y arrêter, car la Caisse de financement relève des Finances qui en tient la comptabilité (art. 3) et contribue largement à son alimentation (article 5) et au versement de la différence entre le loyer actuel et le loyer équitable, ce qui justifie son droit de contrôle, et la présence de fonctionnaires dans la Commission ne viole donc pas le principe de séparation des pouvoirs, car l’article 17 de la Constitution confie le pouvoir exécutif au Conseil des ministres.
Considérant qu’il ressort de ce qui précède :
1. Il n'existe pas de violation d’un principe constitutionnel de la part de la Chambre des députés qui jouit de l’autorité d’appréciation dans la formation des commissions, la détermination de leur action et leurs attributions.
2. La qualification des commissions ne viole pas le principe de séparation des pouvoirs.
3. Il n'a pas de violation de l’article 20 de la Constitution, du fait que la magistrature n’a pas autorité à désigner le magistrat président de la Commission ni à contrôler l’action de ce magistrat et l’exercice de ses attributions.
4. Les décisions de la Commission sont exécutoires et non susceptibles d’approbation par une autorité administrative ou autre.
D. De la nature des décisions des Commissions, décisions définitives et insusceptibles d’aucun recours
Considérant que l’article 20 de la Constitution ne prévoit pas de juridiction à plusieurs degrés, bien qu’il prévoie des garanties aux juges et aux justiciables, et que cet article traite de l’autorité des tribunaux et de leur action, et non de l’autorité de commissions administratives mixtes à caractère juridictionnel.
Considérant que la compétence des commissions prévues par la loi sur des loyers est circonscrite, d’après l’article 7 de ladite loi, au contrôle et au calcul comptable, vérifiant la requête soumise par le bénéficiaire ou des membres de son groupe et les documents joints qui montrent le salaire, la rémunération ou le revenu et si les conditions permettant de bénéficier de l’aide de la Caisse de financement, sont remplies, « décision notifiée par le président de la Commission au département des Finances pour qu’il verse au locataire la prestation due »,
Alors que l’article 18 de ladite loi, sur la détermination de la valeur locative et la compétence de la Commission, montre clairement qu’il s’agit d’une instance de recours à l’encontre des deux rapports d’expertise inscrits au registre et que, en cas de divergence, les deux parties recourent à la Commission dans le Mohafazat dont relève la location pour trancher un litige limité à la divergence entre le contenu des deux rapports, le rôle de la Commission étant circonscrit à ce qui est inscrit dans les deux rapports quant au montant du loyer sur la base de la valeur locative, et sans autre fonction, d’où il appert qu’elle ne tranche pas un litige au fond et n’intervient pas dans la nomination des experts et de leur rôle, mais règle des conflits qui ressortent de ses attributions.
Considérant, en second lieu, que le législateur, en vue de la mise en vigueur du droit à la défense, n’est pas astreint à des procédures exécutoires spécifiques, ni limité à ce que les litiges entre les citoyens soient tranchés à plus d’un niveau, le recours judiciaire à un seul degré étant licite en vertu de la Constitution en fonction de la nature du litige et toutes les fois que la célérité est requise en raison de la nature même du litige.
Considérant, en troisième lieu, qu’il est connu et constant dans les lois exceptionnelles sur les loyers qu’il faut trancher ces litiges avec célérité, et que la loi contestée même requiert la célérité, l’article 18 disposant que la présentation par le locataire de la demande de contribution de la Caisse de financement débouche sur la suspension du délai de versement du loyer jusqu’à la mise en vigueur de la décision de la Commission en vue de la contribution ou de refus de contribution, la Commission devant émettre sa décision dans un délai maximal de deux mois à partir de la date de présentation de la demande, ce qui implique la célérité afin de ne pas priver le propriétaire du montant du loyer.
Considérant, en quatrième lieu, que la soumission de la décision de la Commission à un recours fait perdre à l’opération son caractère d’urgence, retarde l’exécution de la loi, surtout que des demandes vont affluer aux commissions, sachant d’ailleurs que la Constitution libanaise ne contient aucune disposition qui exige le recours judiciaire à plusieurs degrés, le souci (art. 20) étant le jugement juste et équitable assuré par des magistrats indépendants dans le cadre d’une organisation assurant aux juges et justiciables les garanties requises.
Considérant qu’en raison de la nature des commissions, de leur rôle et des limites de ce rôle, et en vue de la célérité dans le règlement de litiges revêtus par nature du caractère d’urgence, et en raison de l’indépendance du législateur à apprécier les degrés de judiciarisation, et que les garanties sont assurées dans la Commission et ses membres et aux plaignants propriétaires et locataires, il convient de reconnaître aux commissions le droit de prononcer des décisions finales et non susceptibles de recours, et que en conséquence, il appert
l’irrecevabilité du recours sous cet aspect et la considération que la loi objet du recours, et dans l’intégralité de toutes ses composantes, est compatible avec la Constitution.
Membres dissidents
Muhammad Bassam Murtada
Antoine Messarra
Salah Moukheiber