Décision No. 4/2014



Le Conseil constitutionnel

             Réuni sous la présidence de son Président M. Issam Sleiman et en présence du Vice-président M. Tarek Ziadeh et des membres, MM.  Ahmed Takieddine, Antoine Messarra, Zaghloul Attieh, Toufic Soubra, Souheil Abdel Samad, Salah Moukheiber, Mohamed Bassam Mourtada ; M. Antoine Khair étant absent pour des raisons liées au voyage.

Conformément à l’article 19 de la Constitution.

Et après examen du dossier du recours, de tous les documents joints et du rapport du membre rapporteur, daté du 29/5/2014.

Considérant que MM. les députés susmentionnés ont soumis un recours inscrit au greffe du Conseil constitutionnel le 22/5/2014 visant à la suspension de la mise en application et à l’annulation de la loi no 289 promulguée le 30/4/12014 et publiée au no 20 du Journal officiel paru le 8/5/2014.

Considérant que les motifs avancés reprochent à la loi dont la suspension et l’annulation sont requises, de ne pas inclure l’article neuf prévu avant sa publication, lequel accorde le droit à la rémunération et toutes les allocations de retraite aux fonctionnaires de la Défense civile licenciés avant sa promulgation. Ladite loi a ainsi méconnu les droits prévus au paragraphe C du Préambule de la Constitution, violé le principe de l’égalité entre les fonctionnaires de la Défense civile devant la loi et la justice sociale, et a consacré l’inégalité entre les licenciés et les autres membres et salariés de la Défense civile qui sont toujours en fonction.

Les Requérants ont exposé les faits juridiques par lesquels sont passés le règlement et l’organisation de la Défense civile depuis 1956 jusqu'à présent, et les phases du projet de loi prévoyant la titularisation et le traitement équitable des fonctionnaires de la Défense civile, qu'ils soient en fonction ou licenciés, de manière que son article 50 prévoit que les membres licenciés et leurs familles bénéficient, avant la promulgation de la loi, de tous les traitements et aides dont bénéficient les membres de la Défense civile. Néanmoins, les commissions parlementaires ont estimé qu’il serait convenable de ne pas promulguer une nouvelle loi et de se contenter d’amender certaines dispositions de la loi no 50/67. Les Requérants ajoutent que le texte du projet de loi examiné par les différentes commissions parlementaires incluait son article 9 qui disposait que les « membres et fonctionnaires licenciés pour avoir atteint l’âge légal après la promulgation du décret no 4082 du 12/10/2000 jusqu'à la promulgation de la présente loi, bénéficient des allocations de retraite, des avantages et services ».

               Toutefois la loi contestée a omis de se référer au décret no 4082, et par conséquent a omis toute mention relative aux droits des licenciés et les a donc privés du bénéfice des dispositions antérieures dudit décret qui auraient préservé leurs droits s’il avait été mis en application lors de sa promulgation. L’article neuf du projet de loi présenté fut éliminé suite à l’opposition du ministère de l’Intérieur en raison du nombre indéterminé des fonctionnaires licenciés et des coûts financiers élevés qui découleraient de l’application dudit article. Ainsi, l’exclusion de cet article des dispositions de ladite loi a causé des dommages certains à ces fonctionnaires licenciés.

               Les Requérants ont estimé que la loi contestée a méconnu le paragraphe C du Préambule de la Constitution qui a consacré le respect des principes des libertés publiques, de la justice sociale et de l’égalité des droits et obligations entre tous les Libanais sans aucune distinction ou préférence. Par ailleurs, la loi a méconnu l’article 7 de la Constitution qui dispose que tous les Libanais sont égaux devant la loi, qu’ils jouissent également des droits civils et politiques et sont assujettis aux charges et devoirs publics sans distinction aucune. En outre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a constamment décidé d’annuler les lois méconnaissant le principe de l'égalité entre les individus appartenant à la même institution.

               Considérant que la loi contestée a distingué entre ces derniers, en octroyant à certains d’entre eux le droit à la titularisation et au classement ainsi que les allocations de retraite et financières qui en découlent, et a privé leurs collègues, ayant été licenciés avant la promulgation de la loi, desdits droits et avantages, la loi a donc méconnu l’obligation de l'égalité de traitement entre eux et a violé les principes et textes constitutionnels qui consacrent cette égalité. Pour cette raison la loi doit être annulée.

 

Sur la base de ce qui précède

 

Premièrement : En la forme :

 

Considérant que le recours est soumis par dix députés dans le délai prévu à l’article dernier de la loi no 250/1993 et qu’il réunit toutes les conditions de forme, il est donc recevable en la forme.

 

Deuxièmement : Dans le fond :

 

1. Concernant la violation du principe de l’égalité

 

            Considérant que l’article 4 de la loi contestée prévoit que durant la période de deux ans qui suivent la date de promulgation des décrets règlementaires relatifs au cadre de la Direction générale de la Défense civile, les postes vacants seront comblés en vertu d’un concours restreint organisé par le Conseil de la Fonction publique pour les fonctions civiles et par la Direction générale des Forces de sécurité intérieure pour les postes à caractère opérationnel, et ce parmi les fonctionnaires permanents et contractuels et les salariés travaillant au sein de la Direction générale ayant trois ans de service au moins, et parmi les volontaires à ladite Direction générale, pourvu qu’ils réunissent les conditions générales d’emploi à l’exception de la condition de l’âge.

Considérant que suivant le principe de l’égalité de traitement entre les employés de la même administration, en vertu des dispositions de la Constitution et les principes à valeur constitutionnelle, ceux-ci devraient se trouver dans les mêmes situations juridiques.

Considérant que la loi contestée a prévu qu’afin de pouvoir participer au concours restreint, le candidat doit être l'un des fonctionnaires permanents ou contractuels, l'un des salariés travaillant au sein de la Direction générale de la Défense civile ou l’un des volontaires à ladite Direction.

Considérant que les employés de la Direction générale de la Défense civile antérieurement licenciés ont cessé de travailler au service de la Direction générale de la Défense civile, et ne se trouvent plus dans la même situation juridique que ceux qui travaillent au sein de ladite Direction.

Pour ces motifs, la loi contestée n’a pas méconnu le principe de l’égalité.

 

2. Concernant l’exclusion de l’article neuf de la loi contestée

 

Considérant que le pouvoir législatif est conféré à la Chambre des députés à qui il revient de voter et d'amender les lois.

Considérant que comme il revient à la Chambre des députés la compétence de voter un article d’une proposition de loi ou d’un projet de loi, de même il lui appartient de l’annuler ou de l’amender.

Considérant que les compétences du Conseil constitutionnel, telles que prévues par la Constitution, portent sur le contrôle de la constitutionnalité des lois et l’annulation des textes contraires à la Constitution.

Considérant que le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour amender la loi contestée, et d'empiéter par conséquent sur les compétences de la Chambre des députés.

Pour ces motifs, l'exclusion de l’article 9 de la loi lors de son vote par la Chambre des députés ne viole pas la Constitution.

 

Pour ces motifs

 

Et après délibération,

Et suite à la décision du Conseil constitutionnel no 2/2014 du 22/5/2014 portant sur la suspension de la mise en application de la loi contestée,

Le Conseil constitutionnel décide à l’unanimité,

 

Premièrement : En la forme :

 

            La recevabilité du recours vu qu’il est soumis dans le délai légal et qu’il réunit toutes les conditions de forme légalement requises.

 

Deuxièmement : Dans le fond :

               L’irrecevabilité de la requête visant à l'annulation de la loi
no 289 du 30/4/2014 publiée au no 20 du Journal officiel paru le 8/5/2014.

 

Troisièmement : Le retrait de la décision relative à la suspension de la mise en application de la loi contestée.

 

Quatrièmement : La publication de la présente décision au Journal officiel.

 

               Décision rendue le 3/6/2014.