Décision No. 2/1999
Le Conseil constitutionnel
Réuni en son siège en date du 24/11/1999, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres : Adib Allam, Kamel Ridan, Antoine Khair, Khaled Kabbani, Hussein Hamdane, Fawzi Abou Mrad et Salim Jreissati.
Après examen du dossier du recours ainsi que du rapport du membre rapporteur daté du 18/11/1999.
Considérant qu'il appert que les députés susnommés ont présenté un recours auprès du Conseil constitutionnel, enregistré au greffe du Conseil en date du 12/11/1999, visant à suspendre les effets et à annuler l'article 15 de manière intégrale et l'article 16 de manière partielle, de la loi no 140 du 27 octobre 1999, publiée en date du 3 novembre 1999 au Journal officiel no 52 et relative à la protection du droit au secret des communications effectuées à travers tout moyen de communication, de quelque nature qu'il soit, et ce vu qu'ils sont contraires à la Constitution.
Considérant que les Requérants ont allégué de ce qui suit :
1. Concernant l'article 15 de la loi :
Considérant que la loi susmentionnée distingue entre l'interception des communications conformément à une décision judiciaire et l'interception des communications conformément à une décision administrative et que l'article 15 de la loi interdit l'interception des communications effectuées par les présidents, députés et ministres, que ladite interception soit exécutée conformément à une décision judiciaire ou à une décision administrative, ledit article est considéré inconstitutionnel pour les motifs suivants:
a. Ledit article est contraire à l'alinéa C du préambule de la Constitution qui prévoit que "le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu, la liberté d'opinion et de conscience, sur la justice sociale et l'égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence."
b. Ledit article est également contraire aux dispositions de l'article 7 de la Constitution qui dispose que "tous les Libanais sont égaux devant la loi. Ils jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune."
c. Il est nécessaire d'interdire l'interception des communications des présidents, députés et ministres lorsque celle-ci se fait conformément à une décision administrative, cependant cette interdiction ne peut être applicable lorsque l'interception se fait conformément à une décision judiciaire.
Les Requérants ont également ajouté qu'en cas d'interception des communications des députés conformément à une décision judiciaire, l'immunité parlementaire ne peut être invoquée, étant donné qu'une telle interception ne constitue pas la poursuite pour infraction à la loi pénale prévue aux articles 39 et 40 de la Constitution.
2. Concernant l'article 16 de la loi :
a. L'article 16 est partiellement inconstitutionnel puisqu'il prévoit, entre autres, la création d'une Haute-Cour composée de magistrats et de députés qui sera investie, lors de l'interception de communications conformément à une décision administrative, de pouvoirs exécutifs, ce qui est contraire au principe de la séparation des pouvoirs prévu à l'alinéa E du Préambule de la Constitution:
E- Le régime est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, leur équilibre et leur coopération.
b. L'on ne peut reconnaître ou adopter ce principe tout en invoquant la création de la Haute-Cour composée de députés et de haut magistrats et prévue à l'article 80 de la Constitution, étant donné que ladite Haute-Cour découle d'un texte juridique exprès représentant une autorisation constitutionnelle exceptionnelle pour la création d'une Haute-Cour dont la mission est de juger les Présidents et les ministres, surtout que ces derniers sont mis en accusation par la Chambre des députés, conformément aux articles 60 et 70 de la Constitution.
Les Requérants demandent de recevoir le présent recours en la forme et dans le fond et de rendre une décision ordonnant la suspension et l'annulation des articles 15 et 16 de la loi no 140/99, de manière totale ou partielle pour inconstitutionnalité.
Sur la base de ce qui précède
Premièrement : En la forme
Considérant que le présent recours est soumis dans le délai légal et remplit toutes les conditions de forme, il est donc recevable en la forme.
Deuxièmement : Dans le fond
Considérant que la loi contestée régit les cas d'écoute et d'interception des communications effectuées à travers quelque moyen de télécommunication qu'il soit et détermine les conditions autorisant l'écoute ou l'interception, conformément à une décision judiciaire ou administrative.
Considérant que ladite loi porte atteinte à la liberté individuelle et permet l'intervention dans la vie personnelle de l'individu en autorisant l'écoute ou le contrôle ou l'interception des communications à des fins de poursuite criminelle ou de collecte des informations pour la lutte contre le terrorisme, les crimes affectant la sécurité de l'Etat et les crimes organisés et pose par conséquent des contraintes à l'exercice des libertés individuelles.
Considérant que la liberté individuelle est un droit fondamental protégé par la Constitution, dont découlent la liberté de déplacement, la liberté d'exprimer sa pensée, la liberté de correspondre, l'inviolabilité du domicile, le respect de la vie privée, également garantis par la Constitution et par conséquent par la loi, et tels que prévus au Chapitre 2 de la Constitution : article 8 (la liberté individuelle), article 13 (la liberté d'exprimer sa pensée par la parole ou par la plume) et article 14 (l'inviolabilité du domicile).
Considérant que si la Constitution accorde au législateur le droit d'élaborer les règles générales qui garantissent les droits et libertés prévus à la Constitution en vue de permettre aux individus d'exercer lesdites libertés, il est également tenu de concilier le respect de ces libertés avec la préservation de l'ordre public, ce qui permet de poser des contraintes à la liberté individuelle afin de poursuivre les criminels, de préserver le bien-être des citoyens ainsi que leur sécurité et de protéger leurs biens et sans lequel l'exercice desdites libertés ne peut être assuré, à condition toutefois d'accompagner l'exercice des libertés des garanties essentielles et suffisantes.
Considérant que les Requérants demandent l'annulation des articles 15 et 16 de la loi no 140/99 vu leur inconstitutionnalité.
1. Concernant la demande d'annulation de l'article 15 de la loi
no 140/99 :
Considérant que le recours visant à suspendre et annuler l'article 15 de ladite loi se base sur le fait que cet article est contraire aux dispositions de l'alinéa C du préambule de la Constitution ainsi qu'à son article 7, à savoir du fait qu'il est contraire au principe d'égalité devant la loi.
Considérant que l'alinéa C du Préambule de la Constitution prévoit ce qui suit :
"Le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu, la liberté d'opinion et de conscience, sur la justice sociale et l'égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence."
Considérant que l'article 7 de la Constitution dispose ce qui suit:
"Tous les Libanais sont égaux devant la loi. Ils jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune."
Considérant que l'article 15 de la loi no 140/99 objet du recours vu son inconstitutionnalité prévoit ce qui suit :
"Il est interdit d'intercepter les communications des Présidents, députés et ministres."
Considérant que la loi no 140/99 distingue entre l'interception des communications conformément à une décision judiciaire, droit prévu à l'article 8, conféré dans des cas d'extrême nécessité au juge d'instruction de chaque Gouvernorat (Mohafaza) et au magistrat chargé de l'instruction et limité aux poursuites criminelles sanctionnées par un an d'emprisonnement minimum et l'interception des communications conformément à une décision administrative, droit prévu à l'article 9, conféré au ministre de la Défense nationale et au ministre de l'Intérieur en vue de rassembler des informations visant à lutter contre le terrorisme, les crimes portant atteinte à la sécurité de l'Etat ainsi que les crimes organisés, et ce en vertu d'une décision écrite justifiée, suite à l'approbation du Premier Ministre et sous le contrôle d'un comité indépendant composé du Président de la Cour de Cassation, du Président du Conseil d'Etat et deux députés nommés par le Président de la Chambre.
Considérant que le principe d'égalité devant la loi est l'un des principes généraux ayant valeur constitutionnelle qui puise son fondement constitutionnel du cœur même de la Constitution, notamment du Préambule et de l'article 7 et qui signifie que tous les citoyens sont égaux devant la loi, que ce soit en matière de protection ou d'imposition de contraintes.
Considérant que le principe de l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas un principe absolu et que le législateur peut y déroger et, par conséquent, distinguer entre les citoyens, si ladite distinction découle de la Constitution et dans le cas où les citoyens ont des statuts légaux différents ou si l'intérêt public l'impose, et ce en vue de préserver l'ordre public, à condition toutefois que cette distinction soit conforme aux finalités de la loi.
Considérant que le fait de distinguer le Président de la Chambre, le Président du Conseil des Ministres, les députés et les ministres des autres citoyens et de les considérer non égaux devant la loi sur l'écoute appliquée en vertu d'une décision judiciaire, n'est motivé ni par l'intérêt public ni par un texte constitutionnel l'autorisant, à l'instar des articles 39 et 40 de la Constitution et relatifs à l'immunité parlementaire.
Considérant qu'il en est tout autrement en ce qui concerne le Président de la République. Conformément aux dispositions de l'article 60 de la Constitution, le Président de la République n'est pas responsable des actes de sa fonction que dans le cas de violation de la Constitution ou de haute trahison. Pour les délits de droit commun, comme pour la violation de la Constitution et pour la haute trahison, il ne peut être mis en accusation que par la Chambre des députés, décidant à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée entière ; il est jugé par la Haute-Cour prévue à l'article 80. Par conséquent, il ne peut être sujet à une poursuite criminelle par le Parquet Général ou par le juge d'instruction et ses communications ne peuvent être, en aucun cas, interceptées ou écoutées, ce qui ne s'applique pas au Président de la Chambre et aux députés, soumis aux dispositions des articles 39 et 40 de la Constitution, ni au Président du Conseil des ministres et aux ministres, soumis aux dispositions des articles 70 et 71 de la Constitution.
Considérant que l'interception des communications conformément à une décision judiciaire n'est pas contraire à l'immunité parlementaire prévue à la Constitution, étant donné que l'interception des communications vise à rassembler les informations ou les preuves nécessaires à la poursuite criminelle qui, lorsqu'elle vise un député, est soumise aux dispositions des articles 39 et 40 de la Constitution.
Considérant que l'écoute des communications porte atteinte, en particulier, à la liberté du député d'exprimer son opinion, prévue à l'article 39 de la Constitution et, en général, à la vie privée de tout citoyen, cependant cette mesure est justifiée tant qu'elle vise à protéger les libertés ainsi que les propriétés des citoyens et s'accompagne des garanties suffisantes qui imposent la préservation de l'ordre public, considéré comme un principe ayant valeur constitutionnelle.
Considérant que l'article 2 de la loi no 140/99 a accompagné l'exercice du droit à l'écoute et les procédures y relatives de garanties sûres qui préservent les libertés fondamentales du citoyen et du pouvoir public, et ce en conférant ce droit au pouvoir judiciaire qui protège les droits constitutionnels et les libertés publiques. D'autre part, la loi a également limité ce droit aux cas d'extrême nécessité, ce qui ne justifie pas le fait de distinguer les personnes visées à l'article 15, à l'exception du Président de la République, des autres citoyens en raison de leurs références ou fonctions puisque l'écoute ne vise pas l'homme en sa fonction mais en sa qualité de citoyen.
Considérant qu'il en est autrement et qu'il est complètement injustifié lorsque l'interception des communications conformément à une décision administrative est confiée à un pouvoir administratif, étant donné que ceci ne constitue aucune garantie permettant d'éviter tout abus de pouvoir et qu'il n'est pas raisonnable de confier à un ministre, qui représente une autorité administrative, le pouvoir de contrôler une autre autorité administrative similaire ou plus élevée.
Considérant que ceci devient d'autant plus dangereux lorsque le droit d'écouter les communications des députés est conféré au pouvoir administratif, étant donné que le député jouit, de par la Constitution, de l'immunité parlementaire pour exercer sa fonction représentative en toute liberté et à l'abri de toute intervention ou pression du pouvoir exécutif qui pourraient l'empêcher d'exercer ses fonctions de la manière requise.
Considérant que l'application de l'article 9 de la loi sur l'interception des communications conformément à une décision administrative n'est pas accompagnée de garanties bien définies, telles que l'approbation du Président du Conseil des ministres, le contrôle d'un comité indépendant composé de magistrats et de députés, étant donné que le Président du Conseil des ministres est une autorité administrative et que le comité de contrôle est également un comité administratif qui ne peut prendre des décisions contraignantes et dont les prérogatives se limitent à exprimer son opinion après que la décision d'intercepter les communications prise par le ministre est en voie d'exécution.
Considérant que l'écoute des communications conformément à une décision administrative en ce qui concerne le Président de la Chambre, le Président du Conseil des ministres, des députés et des ministres est contraire à la Constitution alors que l'écoute des communications conformément à une décision judiciaire en ce qui concerne les parties susmentionnées n'est pas contraire à la Constitution, à condition toutefois qu'elle soit effectuée dans le cadre d’une poursuite judiciaire et dans les limites prévues par la Constitution également.
Considérant que l'article 15 de la loi no 140/99 est absolu et ne distingue pas entre l'écoute des communications conformément à une décision administrative et l'écoute des communications conformément à une décision judiciaire, il convient donc de l’annuler dans son intégralité.
2. Concernant la demande d'annulation de l'article 16 de la loi
no 140/99 :
Considérant que les Requérants demandent d'annuler partiellement l'article 16 de la loi no 140/99 étant donné qu'il prévoit la participation de députés dans la formation du comité indépendant chargé de s'assurer de la légalité des procédures relatives à l'interception des communications conformément à une décision administrative et qu'elle est, par conséquent, contraire au principe de la séparation des pouvoirs prévu à l'alinéa E du Préambule de la Constitution.
Considérant que l'alinéa E du Préambule de la Constitution prévoit ce qui suit :
"E- Le régime est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, leur équilibre et leur coopération."
Considérant que le Préambule de la Constitution fait partie intégrante de la Constitution et a valeur constitutionnelle, à l'instar des dispositions de la Constitution.
Considérant que conformément au principe de la séparation des pouvoirs, chaque pouvoir est tenu d'exercer ses prérogatives dans le domaine prévu par la Constitution, sans empiètement aucun sur les prérogatives d'un autre pouvoir et de se conformer aux limites de ses compétences prévues par la Constitution en vue de préserver l'équilibre dans la coopération, notamment entre les pouvoirs législatif et exécutif.
Considérant que l'intervention des députés dans les affaires des pouvoirs exécutif ou administratif est contraire au principe de la séparation des pouvoirs ayant valeur constitutionnelle.
Considérant que l'article 16 de la loi no 140/99 prévoit la création d'un comité indépendant composé du Président de la Cour de Cassation, du Président du Conseil d'Etat et deux députés nommés par le Président de la Chambre et chargé de s'assurer de la légalité des procédures relatives à l'interception des communications conformément à une décision administrative et que ladite loi a investi le comité ou l'un de ses membres des plus larges prérogatives pour procéder aux enquêtes nécessaires auprès des dispositifs de sécurité, administratifs et techniques compétents, ainsi qu'auprès des institutions privées concernées par les télécommunications, pour recourir aux services de tous experts et pour examiner tous équipements et documents nécessaires, quel que soit leur degré de confidentialité.
Considérant que la participation de députés à la formation du comité qui est, de par sa nature, un comité administratif, étant donné qu'il vérifie la légalité des mesures administratives prises conformément à une décision administrative et qu'il émet des décisions et non des jugements et que ledit comité ou l'un de ses membres, qui peut être un député, est chargé de procéder aux enquêtes nécessaires auprès des dispositifs de sécurité, administratifs et techniques relevant du pouvoir exécutif, ceci représente une intervention de la part des députés dans les affaires du pouvoir exécutif et, par conséquent, le député dépasse le cadre de ses fonctions et prérogatives prévues par la Constitution.
Considérant que si la Chambre des députés, conformément à la Constitution, est tenue de contrôler les actes du gouvernement, elle ne peut exercer ces prérogatives que dans le cadre des limites prévues par la Constitution ainsi qu’au règlement intérieur de la Chambre des députés.
Considérant que lors de l'exercice de ce contrôle, la Chambre des députés est tenue de former des commissions parlementaires de contrôle chargées de contrôler certains sujets bien déterminés, cependant lesdites commissions sont tenues d'exercer le contrôle susmentionné conformément aux procédures et aux conditions prévues au règlement intérieur.
Considérant que la participation de députés à des comités administratifs pour procéder aux enquêtes nécessaires auprès du pouvoir administratif, et ce hors du cadre prévu par la Constitution et le Règlement intérieur de la Chambre des députés, ne s'inscrit pas dans le cadre des prérogatives constitutionnelles du député et est, par conséquent, contraire au principe de la séparation des pouvoirs ainsi qu'aux dispositions de la Constitution et aux principes généraux ayant valeur constitutionnelle.
3. Concernant l'annulation de l'article 8 de la loi :
Considérant que les Requérants limitent leur recours et leurs requêtes à l'annulation totale ou partielle des articles 15 et 16 de la loi no 140/99 vu leur inconstitutionnalité.
Considérant que le Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 19 de la Constitution et de la loi sur sa création (loi no 250/93) est institué pour contrôler la constitutionnalité des lois conformément aux recours présentés par les autorités déterminées exclusivement par la Constitution.
Considérant que s'il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler spontanément la constitutionnalité des lois élaborées par la Chambre des députés, cette prérogative peut néanmoins s'étendre et permettre au Conseil constitutionnel de contrôler l'intégralité de la loi sur simple recours dûment présenté et enregistré au greffe du Conseil, sans toutefois être limité par les demandes des Requérants, ce qui est admis par la jurisprudence du Conseil.
Considérant que le Conseil ne peut, lors du contrôle de la constitutionnalité d'une loi bien définie, ignorer un texte contraire à la Constitution, même s'il n'est pas l'objet du recours présenté par le Requérant ; il est par conséquent tenu de le contrôler, voire l'annuler, si nécessaire, au cas où il s'avérerait contraire à la Constitution.
Considérant que, lors du contrôle de la loi no 140/99, conformément au recours présenté contre les articles 15 et 16 de ladite loi, le Conseil a relevé l'article 8 qui prévoit ce qui suit :
"Les communications effectuées par les avocats ne peuvent être interceptées qu'après en avoir notifié le bâtonnier de l'Ordre des avocats et s'être assuré que l'avocat concerné a commis ou participé à un crime ou un délit."
Considérant que le texte susmentionné est contraire au principe d'égalité devant la loi étant donné qu'il distingue les avocats des autres citoyens sans justification aucune, qui soit inspirée des dispositions de la Constitution ou de l'intérêt public ou du fait que leur statut légal diffère de celui des autres citoyens.
Considérant que le présent article distingue les avocats des citoyens exerçant d'autres professions régies par des règlements, telles que l'Ordre des ingénieurs, des Pharmaciens et des Médecins etc., qui leur confèrent les mêmes immunités et garanties que celles dont bénéficie l'avocat conformément à la loi sur la réglementation de la profession d'avocat no 8/70 qui ne peut être invoquée pour justifier cette distinction étant donné qu'elle ne se base pas sur un texte exceptionnel de la Constitution, et surtout que l'écoute ne les vise pas en leur qualité d'avocats mais en leur qualité de citoyens.
Considérant que conformément à l'article 8, les communications effectuées par les avocats ne peuvent être interceptées qu'à condition d'en notifier le bâtonnier de l'Ordre des avocats, mais également après s'être assuré que l'avocat concerné a commis ou participé à un crime ou un délit avant de procéder à l'interception ou l'écoute, ce qui dénue le texte de tout fondement, puisque l'objectif de l'écoute est de s'assurer que l'acte criminel a été commis et que par conséquent, si le crime est prouvé avant l'interception, il n'est plus nécessaire de recourir à l'écoute.
Considérant que l'article 8 de la loi no 140/99 est par conséquent contraire à la Constitution. Considérant que l'article 1 de la loi no 140/99 s'inspire du principe constitutionnel prévu à l'article 8 de la Constitution en prévoyant que le droit à la confidentialité des communications intérieures et extérieures par quelque moyen de télécommunication qu'il soit, est protégé par la loi et que les communications ne peuvent être écoutées, contrôlées, interceptées ou divulguées, à l'exception des cas prévus par la loi et par les moyens énumérés et définis par elle.
Considérant que la protection et le respect de la vie privée de l'individu sont les fondements essentiels de la liberté individuelle garantie par la Constitution, qui ne peut être sujet à aucune contrainte sauf dans le but de préserver l'ordre public et de fournir les garanties nécessaires à l'exercice de ladite liberté.
Considérant qu'il appert de l'ensemble des textes de la loi no 140/99 que l'exercice de la liberté individuelle et le respect de la vie privée sont accompagnés des garanties suffisantes, le Conseil constitutionnel ne les considère pas contraires aux dispositions de la Constitution, à l'exception de ceux qu'il convient d'annuler.
Par ces motifs
Le Conseil constitutionnel décide :
Premièrement : D'annuler l'article 15 de la loi no 140/99 dans sa totalité étant contraire à la Constitution.
Deuxièmement : D'annuler l'article 16 de la loi no 140/99 dans sa totalité étant contraire à la Constitution.
Troisièmement : D'annuler l'article 8 de la loi no 140/99 dans sa totalité étant contraire à la Constitution.
Quatrièmement : De notifier les autorités officielles compétentes de la présente décision et de la publier au Journal officiel.
Décision rendue le 24/11/1999