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Décision du Conseil constitutionnel no 4/ 2019 du 21/2/2019 relative au siège minoritaire protestant à Beyrouth II

ANTOINE NASRI MESSARRA

Membre du Conseil constitutionnel

Professeur

Titulaire de la Chaire Unesco

d’étude comparée des religions

de la médiation et du dialogue

Université Saint-Joseph

***

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M100/19c

 

Le recours devant le Conseil constitutionnel

en invalidation électorale est d’ordre public

Décision du Conseil constitutionnel no 4/ 2019 du 21/2/2019

relative au siège minoritaire protestant à Beyrouth II

 

 

            Le requérant, Nadim Koshaya Osta, après avoir présenté un recours devant le Conseil constitutionnel du Liban pour l’invalidante de l’élection du candidat proclamé élu, Edgard Joseph Traboulsi, aux élections législatives au Liban du 6 mai 2018, adresse une autre requête au Conseil constitutionnel, le 10/7/2018, exprimant sa volonté de retrait du recours.

            Le Conseil constitutionnel, par sa décision no 4/2019 du 21/2/2019, se pose alors la question si le Conseil doit se considérer pleinement saisi du recours ou accepter le désistement.

            Il se prononce en faveur du maintien de la saisine en invalidation électorale, à la majorité de 7 membres sur 10, alors que 3 membres ont enregistré leur dissidence.

            Voici un résumé, traduit en français, de la décision du Conseil constitutionnel :

 

            « La loi no 250/1993 (Création du Conseil constitutionnel) dispose que le recours porte sur la régularité des élections, et la loi no 243/2000 (Statuts intérieurs du Conseil constitutionnel) dispose que le Conseil tranche en matière de régularité des élections législatives et les recours y relatifs.

            Le recours en invalidation porte sur la sincérité et la régularité des élections, et non sur un litige interpersonnel entre plaignant et défendeur.

            Comme le recours n’a pas la qualification d’un litige personnel, la Loi de création du Conseil constitutionnel et les Statuts intérieurs accordent le droit de recours au candidat non élu, abstraction faite du volume des voix obtenues et de l’écart dans ce volume entre le plaignant et le défendeur.

            Comme le recours pour invalidation de l’élection d’un député proclamé élu n’a pas le caractère d’un litige personnel, nombre de pays, dont la France, consentent à tout électeur inscrit dans la circonscription électorale, même non candidat, le droit de présenter un recours en invalidation.

            Le député élu exerce un mandat constitutionnel fondé sur la consultation populaire, et donc distinct par nature du mandat en matière civile, ce qui signifie que la nation délègue à des représentants élus l’exercice du pouvoir, pour un mandat délimité dans le temps et avec impossibilité de retrait de ce mandat avant expiration. Au contraire le titulaire civilement mandaté est tributaire de la volonté du mandant qui dispose du droit de retrait de la délégation.

            La sincérité, régularité et véracité du scrutin constituent le fondement du mandat parlementaire et de la légitimité de l’autorité issue de l’élection.

            La Constitution libanaise dispose dans son Préambule que le peuple est source du pouvoir et détenteur de la souveraineté qu’il exerce à travers les institutions constitutionnelles.

            C’est au moyen des élections que s’exprime la volonté du peuple en conformité avec la Constitution qui dispose en outre dans son Préambule que le Liban est une République démocratique parlementaire.

            L’élection constitue le fondement démocratique à travers lequel s’exprime librement la volonté populaire et le choix des représentants de la nation.

            Aussi la sincérité, régularité et véracité des élections ont une valeur constitutionnelle et en conséquence le retrait ultérieur d’un recours en invalidation électorale déjà présenté n’entraîne pas la dessaisine du Conseil constitutionnel en tant que juge électoral. »

***

Trois membres du Conseil constitutionnel ont exprimé leur dissidence à l’encontre de la décision adoptée à la majorité de sept membres. Voici un résumé, traduit en arabe, de la dissidence :

            « Le recours en invalidation d’une loi, recours à propos duquel tout désistement ne peut être recevable, se distingue du recours en invalidation électorale. Ce dernier recours est personnel et contradictoire entre deux plaignants ou plus, avec échange de plaidoiries et de preuves à la lumière desquelles le Conseil constitutionnel émet son jugement.

            Les deux lois du Conseil constitutionnel reconnaissent le double principe du contradictoire et de la personnalisation de la plainte, ainsi que le caractère juridictionnel du Conseil constitutionnel, juge de la norme et de plein contentieux.

            La présentation du recours en matière électorale est personnalisée par la volonté expresse du plaignant, et non pour des considérations d’ordre public. Le requérant peut donc retirer sa plainte en vertu de l’art. 518 du Code des obligations et des contrats, outre le fait que le juge électoral ne peut pas se dégager des données et preuves fournies dans le recours.

            Il en découle la différence entre le contrôle de constitutionnalité des lois et le contentieux constitutionnel électoral. »