Décision No.18/2000



Décision No. 18/2000

Date: 08/12/2000

 

Recours No. : 18/2000

Le Requérant : Walid Michel Choueiry, candidat battu à l’un des sièges grecs catholiques du caza de Zahlé, deuxième circonscription électorale de la Békaa, au cours des élections législatives de l’année 2000.

Les Défendeurs : Elias Joseph Skaff et Nicolas Michel Fattouche, députés élus pour les deux sièges susvisés dans la circonscription susmentionnée.

Objet : Recours en invalidation de la députation des Défendeurs.

 

Le Conseil Constitutionnel,

Réuni en son siège en date du 8 décembre 2000, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres Houssein Hamdan, Faouzi Abou Mrad, Salim Jreyssati, Sami Younes, Afif Mokaddem, Moustapha Mansour, Gabriel Syriani et Emile Bejjani.

Vu l’article 19 de la Constitution,

Et après lecture du libellé du recours ainsi que du rapport des membres rapporteurs,

Il appert que M. Walid Michel Choueiry, candidat battu à l’un des sièges grecs catholiques du Caza de Zahlé, deuxième circonscription de la Békaa, au cours des élections législatives de 2000, a présenté, par le biais de son mandataire, un recours auprès du Conseil Constitutionnel, enregistré au greffe du Conseil Constitutionnel en date du 14/10/2000 sub No. 18/2000 et visant à contester la validité de l’élection des Défendeurs, les députés Elias Skaff et Nicolas Fattouche. Le Requérant a demandé de recevoir le recours en la forme et au fond, de rendre une décision ordonnant l’annulation et l’invalidité des élections contestées, d’annuler et de rectifier le résultat en ce qui concerne les députés dont la députation est contestée et de proclamer le Requérant élu pour le siège susmentionné étant donné qu’il a obtenu la majorité le rendant éligible.

Il appert du recours que le Requérant s’est porté candidat au siège grec catholique dans la deuxième circonscription électorale de la Békaa – caza de Zahlé – pour les élections législatives de 2000. Le Requérant appartenait, avec d’autres candidats, à la liste de la « Volonté Populaire », liste concurrente de la liste du « Bloc Populaire » présidée par le premier Défendeur, le député Elias Skaff dont l’élection est contestée et à laquelle adhère le deuxième Défendeur, Nicolas Fattouche.

Les députés dont la députation est contestée, MM. Elias Skaff et Nicolas Fattouche, ont remporté les élections du 03/09/2000 dont les résultats officiels ont été proclamés le 04/09/2000, alors que le Requérant a été battu. M. Skaff avait obtenu 28 467 voix contre 27 513 pour M. Fattouche et 15 987 pour le Requérant, soit un écart de 11 526 voix par rapport au député Fattouche et 12 480 voix par rapport au député Skaff.

Le Requérant allègue dans son recours que le processus électoral a été entaché de nombreux vices et irrégularités, que ce soit durant les phases préélectorale, électorale ou post-électorale. Lesdits vices et irrégularités ont eu une incidence significative sur la volonté des électeurs et, par conséquent, sur le résultat définitif des élections.

Il appert que le Requérant a allégué les motifs suivants :

Premier motif :

Les députés dont la députation est contestée, MM. Elias Skaff et Nicolas Fattouche, ont versé des pots-de-vin aux électeurs et ont procédé à l’achat de voix durant les phases préélectorale et électorale et ce, en gros et au détail, de manière secrète et publique et moyennant des montants variant entre 50 000 livres libanaises et 200 dollars la voix.

En vue d’établir la véracité de ces faits, le Requérant a présenté plusieurs listes comprenant les noms de 197 personnes qui, selon ses propos, ont versé des pots-de-vin et acheté des voix en faveur de MM. Skaff et Fattouche. Le Requérant a également soumis 26 témoignages d’électeurs dont celui du Mukhtar dans lequel celui-ci exige de MM. Skaff et Fattouche un montant de 5 millions de livres libanaises en contrepartie de voix achetées en leur faveur dans le quartier de Fikani le 3 septembre 2000, celui d’une certaine dame daté du 02/10/2000 dans lequel elle déclare avoir acheté 2 500 voix en faveur de M. Fattouche et 1 500 voix en faveur de M. Skaff,

Ainsi que huit témoignages d’électeurs qui ont déclaré qu’il leur a été proposé de voter en faveur de MM. Skaff et Fattouche en contrepartie d’un certain montant, mais qu’ils avaient refusé,

Un autre témoignage émis par un électeur qui reconnaît que les représentants de MM. Skaff et Fattouche lui ont versé la somme de 200 dollars pour l’hôpital de Mays afin qu’il vote pour ces derniers.

Et 15 autres témoignages émis par des électeurs qui ont témoigné de l’achat de voix en faveur de MM. Skaff et Fattouche et ce, de manière publique et sous les yeux des dispositifs de sécurité.

Deuxième motif :

Le Requérant allègue également que les députés dont la députation est contestée, MM. Elias Skaff et Nicolas Fattouche, ainsi que les dispositifs de sécurité ont exercé des menaces et des pressions psychologiques et matérielles sur les électeurs et ont intervenu dans le processus électoral. En effet, lesdites irrégularités peuvent être résumées comme suit:

- La pression exercée sur les électeurs à travers la confiscation de plus de dix mille cartes électorales et leur restitution devant les urnes.

Le Requérant a invoqué à cet égard deux témoignages parmi les 26 qu’il a soumis en vue de prouver l’achat des voix des électeurs.

- La pression exercée sur les représentants et directeurs de la campagne électorale du Requérant pour les empêcher de poursuivre leur travail pour son compte et pour celui de la liste de la « Volonté Populaire » à laquelle il appartient.

Ladite pression – tel qu’il appert du recours – s’est manifestée par la menace de mort adressée par un partisan du député dont la députation est contestée, M. Nicolas Fattouche, au directeur de la campagne électorale du Requérant qui a été obligé de dormir hors de son domicile pendant une période assez longue, tout en étant en déplacement continu, ainsi que par l’agression du responsable de la liste électorale du Requérant dans la région de Moualka ainsi que de son père par un groupe de partisans de MM. Skaff et Fattouche, la menace de mort qui leur a été adressée et les coups de feu qui ont été tirés sur la voiture du responsable mentionné le 01/09/2000 et le 04/09/2000 ainsi que les insultes proférées à l’encontre de sa soeur.

Pour établir la véracité de ces faits, le Requérant a soumis des photocopies de trois plaintes déposées, contre les agresseurs, par les victimes des agressions susmentionnées auprès du Parquet de Zahlé.

- L’intervention des dispositifs de sécurité qui ont convoqué un grand nombre de Mukhtars et de chefs de municipalité à l’un de leurs centres pour leur demander de travailler pour le compte de la liste du « Bloc Populaire » qui est présidée par le premier Défendeur dont la députation est contestée, M. Skaff et à laquelle appartient M. Fattouche, le deuxième Défendeur dont la députation est contestée.

- Les fausses rumeurs colportées par les médias et l’encerclement par les forces de l’armée du bureau du Requérant.

Le Requérant a déclaré à cet égard que le quotidien Al Diyar avait publié dans son numéro du 31/07/2000, sous un titre écrit en grands caractères, que la liste de la « Volonté Populaire » de Zahlé est morte bien avant sa naissance, que son bureau principal avait été fermé, que ses partisans étaient perdus et que le Requérant était à l’origine de tous ces événements.

Le Requérant a ajouté que le lendemain, à savoir le 01/08/2000, il s’est empressé de démentir la nouvelle et qu’il a publié un article explicatif dans le quotidien Al Diyar également.

Le Requérant a déclaré que l’armée a effectivement encerclé son bureau électoral en raison d’une fausse rumeur répandue par la liste concurrente selon laquelle une dispute avait eu lieu dans le bureau et avait fait un mort. L’armée a quitté les lieux après s’être assurée que la rumeur était fausse.

Troisième motif :

Le trucage du nombre d’électeurs à travers le vote de personnes absentes se trouvant hors du territoire libanais.

Le requérant a demandé d’enquêter sur ce fait et d’étudier les listes ainsi que les signatures des votants pour s’assurer de la présence de certains d’entre eux en dehors du territoire libanais.

Il appert que le député dont la députation est contestée, M. Elias Skaff a répondu au recours par des conclusions enregistrées au greffe du Conseil en date du 19/10/2000, dans lesquelles il a demandé de rejeter le recours en la forme, sinon au fond, pour les motifs suivants :

Premièrement : Les motifs relatifs à la forme

- Les élections étaient contraires aux dispositions de l’article 16 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, de l’article 46 de son règlement intérieur et de l’article 1 – clause 39 – du tableau No. 1 de la loi sur le droit du timbre fiscal, étant donné que la copie de la procuration de M. Chehwan, produite en annexe au recours, ne comprenait pas le droit du timbre fiscal prévu aux articles 1 et 2 de la loi sur le droit du timbre fiscal et que les frais d’enregistrement prévus à l’article 2 de la loi sur les frais judiciaires n’ont pas été payés en ce qui concerne la copie mentionnée, étant donné que la procuration n’est pas un document exempté des droits, en vertu de l’article 16 de la loi susmentionnée relative à la création du Conseil Constitutionnel.

- Subsidiairement, étant donné que la procuration accordée au mandataire du Requérant n’autorise pas ce dernier à présenter le recours.

- Etant donné que le recours est intenté auprès du Conseil Constitutionnel de manière contraire aux dispositions de l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel qui prévoit de le présenter à la présidence du Conseil.

- Etant donné que le recours est intenté contre deux députés élus, contrairement aux dispositions de l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel qui prévoit que le recours doit être intenté contre un seul député élu.

- Etant donné que le Requérant attribue le versement de pots-de-vin à un autre candidat alors qu’il a été prouvé qu’il était lui-même à l’origine de cet acte, tel qu’il ressort de la copie du procès-verbal établi par la police de la région de la Békaa, qui est produite en annexe aux conclusions responsives du député Skaff.

- Etant donné que l’avocat mandataire du Requérant n’a pas obtenu l’autorisation du bâtonnier de l’Ordre des avocats pour présenter le recours contre l’avocat Nicolas Fattouche, le deuxième Défendeur dont la députation est contestée, conformément aux dispositions de l’article 94 de la loi sur la réglementation de la profession d’avocat.

Deuxièmement : Les motifs relatifs au fond :

- L’écart considérable entre les voix obtenues par le Requérant d’une part et les Défendeurs, les députés Skaff et Fattouche d’autre part, ce qui rend l’allégation de tout vice sans incidence aucune sur le résultat des élections et sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner le fond des allégations du Requérant.

- Le fait qu’aucun représentant du Requérant n’ait émis aucune réserve sur les procès-verbaux du dépouillement des votes et des travaux, prévus à l’article 58 de la loi sur l’élection des membres du Parlement suffit pour démontrer le manque de sérieux des allégations du Requérant.

- Etant donné que les moyens de preuve exposés par le Requérant sont des moyens fictifs, que la majorité des auteurs des dépositions sont revenus sur leur témoignage, que les personnes concernées ont menti dans lesdites dépositions et que les accusations du Requérant en ce qui concerne les rumeurs, le nombre d’électeurs et l’intervention des dispositifs de sécurité sont dénuées de toute preuve.

Le député Skaff a demandé d’enregistrer ses réserves quant au recours auprès des autorités compétentes en ce qui concerne la diffamation et tous les droits de quelque nature qu’ils soient et d’obliger le Requérant à payer un milliard cinq cent millions de livres libanaises en raison de l’abus de pouvoir, conformément aux dispositions des articles 6, 510 et 511 du Code de Procédure Civile.

Il appert que le deuxième Défendeur, le député Fattouche dont la députation est contestée a également répondu au recours en invalidation de sa députation par le biais de conclusions enregistrées au greffe du Conseil Constitutionnel en date du 23/10/2000 et en vertu desquelles il a demandé ce qui suit :

Premièrement : De rejeter le recours en la forme étant donné qu’il est présenté par un avocat mandaté par le Requérant sans que celui-ci n’obtienne l’autorisation du bâtonnier de l’Ordre des Avocats, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 94 de la loi sur la réglementation de la profession d’avocat, que le député Fattouche dont la députation est contestée est un avocat dûment inscrit à l’Ordre des Avocats, que le Requérant a recouvré le montant de la garantie de candidature après avoir perdu les élections et n’a par conséquent plus qualité pour intenter le présent recours, que le recours est intenté contre deux députés élus contrairement aux dispositions de l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, qui ne prévoit pas qu’un recours en invalidation de la députation d’un député élu puisse être intenté contre plus d’un député élu et que le recours est présenté auprès du Conseil Constitutionnel et non au Président du Conseil, tel qu’imposé par l’article 24 de la loi susmentionnée et relative à la création du Conseil Constitutionnel.

Deuxièmement : De rejeter le recours au fond pour invalidité et manque de sérieux des motifs allégués tant en ce qui concerne le versement de pots-de-vin et l’achat de voix, surtout que la majorité des auteurs des dépositions produites en annexe au recours sont revenus sur leurs témoignages que les menaces, les pressions psychologiques et matérielles et les diverses interventions qui ne sont pas prouvées par les documents produits par le Requérant et qui n’établissent pas non plus la relation du député dont la députation est contestée avec elles, ou en ce qui concerne également le trucage du nombre d’électeurs à l’égard desquels le Requérant n’a présenté aucune preuve ou commencement de preuve.

Troisièmement : D’obliger le Requérant à payer les frais, les honoraires d’avocats ainsi que les dommages et intérêts, surtout que le recours a été intenté avec une mauvaise intention.

Quatrièmement : Le député Fattouche dont la députation est contestée s’est réservé le droit de présenter une plainte pénale pour diffamation contre le Requérant étant donné que ce dernier l’a accusé d’avoir versé des pots-de-vin et d’avoir acheté des voix en sa faveur – à savoir en la faveur de Fattouche – auprès d’une autorité officielle qui notifiera la justice compétente de l’affaire.

Sur base de ce qui précède,

Premièrement : En la forme :

Considérant que le recours a été présenté par un candidat battu contre deux députés élus dans sa circonscription électorale dans le délai légal de 30 jours prévu à l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, qu’il est signé par l’avocat mandataire du Requérant, Walid Michel Choueiry, qu’il comprend les éléments prévus à l’article 25 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, qu’une copie de la procuration ainsi que d’autres copies des autres documents sur lesquels le Requérant a basé son recours sont produits en annexe audit recours et ce, conformément au dispositions de l’article 25 susmentionné et de l’article 46 du règlement intérieur du Conseil Constitutionnel.

Considérant que les députés dont la députation est contestée, MM. Elias Skaff et Nicolas Fattouche, considèrent que le recours ainsi que les documents produits en annexe ne remplissent pas les conditions juridiques requises ; il convient par conséquent de les rejeter en la forme pour des motifs principaux et subsidiaires qui peuvent être résumés comme suit :

1- Le recours est contraire aux dispositions de l’article 16 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, de l’article 1 de la loi sur le droit du timbre fiscal, de la clause 39 du tableau No. 1 annexé à la loi sur le droit du timbre fiscal et de l’article 46 du règlement intérieur du Conseil vu que la procuration du mandataire du Requérant, produite en annexe au recours, ne comprend pas de timbre fiscal et que les frais d’enregistrement y relatifs prévus à la loi sur les frais judiciaires n’ont pas été payés.

2- La procuration du mandataire du Requérant ne l’autorise pas à présenter ledit recours.

3- Le recours est contraire aux dispositions de l’article 94 de la loi sur la réglementation de la profession d’avocat vu que l’avocat mandataire du Requérant n’a pas obtenu l’autorisation du bâtonnier de l’Ordre des Avocats pour présenter le recours contre le député et avocat, Nicolas Fattouche.

4- L’absence de qualité du Requérant pour présenter le présent recours vu qu’il a recouvré le montant de la garantie et que, par conséquent, il ne jouit plus de la qualité de candidat.

5- Le recours est contraire aux dispositions de l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel étant donné qu’il est présenté au Conseil et non au Président du Conseil Constitutionnel.

6- Le recours est intenté contre deux députés élus à la fois, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 24 amendé de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel qui ne prévoit pas que le recours en invalidation d’un député puisse être intenté contre plus d’un député élu.

7- Le recours est contraire au principe Nemo auditur étant donné que le Requérant attribue le versement de pots-de-vin aux députés dont la députation est contestée alors qu’il a été établi que le Requérant a lui-même procédé audit versement.

Concernant le premier motif :

Considérant que, en vertu de l’article 16 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel, « sont exemptés de tous droits, de quelque nature qu’ils soient, les recours présentés au Conseil Constitutionnel, ainsi que toutes les assignations et documents y relatifs ».

Considérant que le Défendeur, M. Skaff, allègue que le terme « documents » n’englobe pas la « procuration », que le législateur a distingué entre la « procuration » et les « documents » dans plusieurs textes juridiques et que le Défendeur a mentionné à cet égard les articles 445 du Code de Procédure Civile et 72 et 73 du règlement du Conseil d’Etat.

Considérant que le terme « document » signifie tout écrit qui sert de preuve ou de renseignement (Le Petit Robert, éd. 1988, p. 563) et que par conséquent, la procuration est considérée comme étant un document, étant donné qu’elle prouve l’action de mandater. Par ailleurs, le législateur s’y est référé en tant que tel dans plusieurs textes juridiques, à savoir, aux articles 380 et 383 du Code de Procédure Civile ainsi qu’au tableau No. 1 des frais de notariat, annexé à la loi relative aux notaires.

Considérant que, contrairement aux allégation du Requérant, l’article 73 du règlement du Conseil d’Etat considère la procuration comme un document devant être annexé au recours. Or, si l’article 445 du Code de Procédure Civile et l’article 72 du règlement du Conseil d’Etat distinguent entre la procuration et d’autres documents dans le cadre de l’énumération des éléments devant être compris dans l’assignation de l’action ou du recours, c’est en raison de la différence qui existe entre les diverses significations des documents relatifs au fond du litige.

Considérant que la procuration, étant un document, est exemptée de tous droits, à l’instar des autres documents sujets à cette exemption, en vertu de l’article 16 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel.

Considérant que les droits, dans tous les cas, ne s’inscrivent pas dans le cadre des conditions de validité juridique du document, les allégations relatives à ce sujet ne sont pas à leur place juridique et il convient, par conséquent, de les rejeter.

Concernant le deuxième motif :

Considérant que la procuration du mandataire du Requérant, M. Walid Choueiry, prévoit ce qui suit : « je mandate par les présentes, Me Joseph Emile Chehwane, pour plaider, me défendre et me représenter par-devant le Conseil Constitutionnel dans le recours intenté par moi contre les deux députés Nicolas Fattouche et Elias Joseph Skaff ».

Considérant que le député Skaff dont la députation est contestée considère qu’il appert du texte ci-dessus que le mandant n’a pas conféré au mandataire le pouvoir de présenter le recours mais le droit de suivre le recours intenté par le mandant, étant donné qu’il a utilisé l’expression « le recours intenté par moi » et non « le recours qui sera intenté par moi » ou encore « le recours à intenter ».

Considérant que, en vue de régler cette affaire, il convient de considérer la volonté réelle du mandant, à la lumière et selon les circonstances du recours et de ne pas se limiter au sens littéral du texte de la procuration (article 366 du Code des Obligations et des Contrats).

Considérant que, à la lumière de ce critère, l’on ne peut convenir avec le député Skaff dont la députation est contestée que les prérogatives du mandataire se limitent à suivre le recours intenté par le mandant étant donné que ce dernier n’avait pas intenté son recours en invalidation de la députation des députés Skaff et Fattouche avant l’élaboration de la procuration, ce qui signifie que la volonté du mandant est de conférer, au mandataire, la prérogative d’intenter et de le suivre le recours et non seulement de le suivre.

Considérant que les allégations du député Skaff à cet égard ne sont pas, à la lumière de ce qui précède, à leur place juridique ; il convient par conséquent de les rejeter.

Concernant le troisième motif :

Considérant que le député Fattouche dont la députation est contestée est un avocat inscrit à l’Ordre des Avocats.

Considérant que, en vertu de l’article 94/1 nouveau de la loi sur la réglementation de la profession d’avocat, un avocat ne peut accepter tout pouvoir pour intenter un procès contre un de ses collègues et ne peut lui-même intenter une action personnelle en justice contre ce dernier avant d’obtenir l’autorisation du bâtonnier.

Considérant que l’avocat mandataire du Requérant a accepté la procuration dans le cadre du présent recours intenté contre un de ses collègues, Me Nicolas Fattouche, sans pour autant d’obtenir l’autorisation du bâtonnier.

Considérant que chacun des deux députés dont la députation est contestée considèrent cette violation comme étant un motif pour le rejet du recours en la forme.

Considérant que le Défendeur, Elias Skaff, n’a ni intérêt ni qualité pour alléguer ce motif, il convient par conséquent de limiter l’examen de l’affaire aux allégations de Me Nicolas Fattouche à cet égard.

Considérant que la non obtention de la part de l’avocat de l’autorisation du bâtonnier de l’Ordre des Avocats avant d’accepter la procuration relative à la présentation du recours contre un collègue à lui, même si ceci est contraire aux règles de la discipline professionnelle, n’a aucune relation avec les procédures relatives aux actions pénales et n’entraîne pas, par conséquent, l’annulation du recours.

Concernant le quatrième motif :

Considérant que le député dont la députation est contestée allègue à cet égard que le Requérant a recouvré la garantie de la candidature après avoir perdu les élections et que, par conséquent, il n’a plus ni qualité, ni intérêt pour présenter le présent recours, étant donné que le fait de recouvrer le montant de la garantie signifie accepter les résultats.

Considérant que l’intention de se résigner à un fait donné ne peut être déduite que d’actes directement contraires au droit objet de la résignation.

Considérant que le recouvrement de la part du candidat battu du montant de la garantie ne peut être considéré comme une résignation aux résultats.

Considérant que l’article 46 du règlement intérieur du Conseil Constitutionnel ainsi que l’article 25 de la loi sur sa création n’ont pas prévu que le recours peut être uniquement recevable dans le cas où le candidat battu n’a pas recouvré le montant de la garantie et que l’article 35 de la loi électorale l’a autorisé à recouvrer ladite garantie après la proclamation des résultats, à condition toutefois qu’il ait obtenu 10% des votes des électeurs dans la circonscription électorale.

Considérant que le fait que le député Fattouche dont la députation est contestée se soit basé sur l’acte de recouvrement du montant de la garantie pour demander de rejeter le recours en la forme n’est pas à sa place juridique et il convient, par conséquent, de le rejeter.

Concernant le cinquième motif :

Considérant que les députés dont la députation est contestée considèrent que le fait d’avoir intenté le recours auprès du Conseil Constitutionnel et non auprès de la Présidence du Conseil représente une violation des dispositions de l’article 25 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel et de l’article 46 de son règlement intérieur.

Considérant que, à travers les deux articles susmentionnés, le législateur vise à saisir le Conseil Constitutionnel de l’affaire, à enregistrer le recours au greffe en vue de calculer la période de trente jours, que le recours soit intenté auprès de la Présidence du Conseil ou auprès du Conseil lui-même, par conséquent, le motif basé sur la violation des deux articles susmentionnés n’est pas à sa place juridique et il convient donc de le rejeter.

Concernant le sixième motif :

Considérant que les députés dont la députation est contestée demandent de rejeter le recours en la forme étant donné qu’il est intenté à la fois contre deux députés élus, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 24 de la loi sur la création du Conseil Constitutionnel qui prévoit, selon les Défendeurs, la nécessité d’intenter le recours contre un seul député élu.

Considérant qu’il s’agit par conséquent d’une fin de non-recevoir étant donné qu’elle se base sur l’absence de droit de former une demande au sens de l’article 62 amendé du Code de Procédure Civile qui prévoit également ce qui suit: «est considérée comme fin de non-recevoir également le défaut de qualité ou d’intérêt ». Il est possible d’invoquer cet article conformément à l’article 6 de cette même loi étant donné que la loi relative au Conseil Constitutionnel ne comprend pas un texte spécial qui régit ce type de fins.

Considérant que les fins de non-recevoir basées sur le défaut de qualité ou d’intérêt sont considérées comme des fins de non-recevoir liées au fond. Ce principe a été adopté par le législateur libanais qui l’a inscrit dans le cadre des fins reliées au fond qui peuvent être invoquées quelle que soit la nature du procès, tel que prévu à l’article 63 du Code de Procédure Civile et ce, contrairement aux exceptions de procédure qui doivent être invoquées avant de débattre du fond, tel que prévu à l’article 53 de la loi susmentionnée.

Considérant qu’il appert de ces textes que la différence entre les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir réside dans le fait qu’elles ne produisent pas les mêmes effets. Les fins de non-recevoir de procédure n’engagent le débat que sur la forme et doivent être invoquées au début du procès et avant de débattre du fond, alors que les fins de non-recevoir sont liées au fond et épuisent la juridiction du tribunal sur le fond du litige :

« Les effets procéduraux des fins de non-recevoir – Les fins de non-recevoir de procédure et les fins de non-recevoir liées au fond ne produisent pas les mêmes effets. Tandis que les premières n’engagent pas le débat sur le fond, les secondes, au contraire, ont pour résultat d’aboutir à un jugement qui épuise la juridiction du tribunal sur le fond même du litige ».

Solus et Perrot, Droit Judiciaire Privé, T.1, Ed. 1961 No. 319.

J. Vincent et S. Guinchard, Procédure Civile, Dalloz, 23e Ed. p. 128.

Considérant que, en principe, lorsqu’il appert que le Demandeur a qualité de former une demande, même si ce droit n’est pas prouvé de manière certaine, contre plus d’une partie adverse, il est difficile de déterminer ladite qualité étant donné que certaines preuves relatives à son droit de former une demande ne sont pas disponibles de manière précise, mais peuvent le devenir au cours du procès grâce aux enquêtes que le tribunal peut ordonner, en sens que, si le tribunal considère que les moyens de preuve présentés par le Demandeur sont recevables, le Demandeur peut former une demande contre plus d’un Défendeur directement liés au droit invoqué, à condition toutefois que le tribunal décide, sur base des preuves qui lui seront disponibles dans le cadre de l’affaire, lequel des Défendeurs sera tenu par son jugement ainsi que des résultats dudit jugement.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que tout recours en invalidation de la députation de deux députés élus ou plus aura pour seule et unique conséquence le fait de remplacer un seul député élu par un seul candidat battu soit à travers la rectification des résultats en procédant au recompte des voix, soit à travers la réorganisation d’élections et ce, étant donné qu’il appartient au juge de supposer, au cours de la phase d’étude des fins, que la partie concernée a le droit de former une demande, lorsque ledit droit est possible ou éventuel, contre deux députés, de statuer sur le fond par la suite et de juger l’un d’eux après avoir statué sur le fond.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que la loi parle au singulier en ce qui concerne le recours intenté par un candidat battu contre un député proclamé élu, étant donné que ceci n’est qu’un principe d’écriture adopté par le législateur dans le cadre de l’élaboration des lois générales, qu’il n’y ait qu’un Demandeur ou qu’un Défendeur ou plus.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que l’article 46 de la loi No. 243/2000 prévoit de limiter le recours au député élu qui a obtenu le nombre de voix le plus proche de celui obtenu par le député battu et ce, puisque l’article 46 susmentionné est absolu et autorise tout candidat concurrent à intenter un recours, contrairement à l’article 38 de la loi No. 516 datée du 6 juin 1996 et abrogée par la loi No. 243/2000, sachant que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel aurait reconnu, même à la lumière de l’article 38 susmentionné, la possibilité du recours quel que soit le Requérant et quelle que soit sa fonction.

Considérant que ces principes sont conformes aux principes d’égalité et de justice étant donné qu’il se peut que l’écart entre les voix obtenues par le candidat battu qui a présenté le recours d’une part et celles obtenues par les deux députés élus d’autre part soit extrêmement faible, ce qui entraîne la nécessite de se référer aux procès-verbaux officiels, conservés par le Ministère de l’intérieur et que le Requérant pourrait ignorer, par conséquent, il n’est pas logique de rejeter son recours en la forme pour un motif qui est hors de sa volonté ou pour un motif qu’il ignore, surtout s’il appert de l’examen des procès-verbaux officiels et de l’étude des chiffres y figurant que le vrai candidat battu qui a obtenu un nombre de voix inférieures à celles du Requérant n’est pas le concurrent direct visé par le recours mais le concurrent qui lui a précédé et qui a obtenu un plus grand nombre de voix.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que le recours intenté contre deux députés élus épuise la juridiction du Conseil Constitutionnel en ce qui concerne son droit de remplacer un député élu par un député battu ou de procéder à des réélections puisque, que le recours soit basé sur le motif de l’écart des voix ou sur le motif d’irrégularités fondamentales commises dans le cadre du processus électoral, il appartient au Conseil Constitutionnel de libérer le député ayant obtenu un certain nombre de voix du recours et de lui permettre par conséquent de remporter les élections sans contestation aucune ou de les annuler dans le cas où il s’assure de l’existence d’infractions fondamentales. Dans ce cas, des élections pour un seul siège seront dûment organisées et ce, selon les circonstances et particularités de chaque affaire et en application des larges pouvoirs dont il jouit dans le cadre de son appréciation des faits, preuves et moyens de preuve.

Considérant qu’il n’y a pas d’intérêt à alléguer que le Conseil Constitutionnel pourrait établir que le vrai candidat évincé est un concurrent contre lequel le recours n’a pas été intenté étant donné que l’effet de l’adversité englobe uniquement, au sens de la loi, les parties en lice dans l’affaire et qui se disputent entre eux sur les faits et objets du litige, ce sont ces derniers uniquement qui sont affectés par le jugement, surtout que la juridiction du Conseil Constitutionnel, en tant que juge électoral, ne s’étend pas à l’annulation de l’ensemble du processus électoral.

Considérant que, sur base de ce qui précède, la demande de rejet du recours en la forme en ce qui concerne son irrecevabilité ou sa recevabilité est dénuée de tout fondement juridique valide ; il convient par conséquent de la rejeter.

Concernant le septième motif :

Considérant que le député Elias Skaff dont la députation est contestée demande de rejeter le recours en la forme conformément au principe selon lequel « Nul ne peut alléguer la règle de Nemo auditur » étant donné que le Requérant lui attribue le versement de pots-de-vin aux électeurs alors qu’il a été prouvé que le Requérant est lui-même à l’origine de cette irrégularité.

Considérant que ce principe, nemo auditur qui suam propriam turpitudinem allegans, qui signifie que nul ne peut alléguer les actes irréguliers qu’il a commis, ne peut être invoqué dans le cadre de la présente affaire étant donné que le Requérant ne base pas son recours sur les actes frauduleux ou irréguliers qu’il a commis mais sur les actes frauduleux qu’il impute aux députés dont la députation est contestée.

Considérant que le fait d’invoquer ce principe afin de rejeter le recours en la forme n’est pas à sa place juridique ; il convient par conséquent de le rejeter surtout qu’il ne s’agit pas d’exceptions de procédures liées à la forme.

Deuxièmement : Au fond

Considérant que le Requérant, Walid Choueiry demande d’annuler la députation des deux députés Elias Skaff et Nicolas Fattouche, de rectifier les résultats et de le proclamer élu pour l’un des sièges grecs catholiques de la deuxième circonscription électorale de la Békaa, caza de Zahlé, étant donné qu’il a obtenu la majorité des voix, ce qui le rend éligible. Le requérant s’est basé à cet égard sur les motifs suivants :

1- Les députés dont la députation est contestée ont versé des pots-de-vin aux électeurs et ont acheté leurs voix.

2- Les menaces et pressions psychologiques et matérielles exercées par les représentants des députés dont la députation est contestée sur les électeurs, représentants et directeurs de la campagne électorale du Requérant, l’intervention des dispositifs de sécurité en faveur des députés dont la députation est contestée ainsi que les fausses rumeurs colportées.

3- Le trucage du nombre des électeurs, à travers le vote de personnes absentes ou se trouvant hors du territoire libanais.

 

Considérant que les députés dont la députation est contestée demandent de rejeter le recours pour les motifs suivants :

1- L’écart considérable entre les voix obtenues par le Requérant d’une part et les députés dont la députation est contestée d’autre part.

2- L’invalidité et le manque de sérieux des motifs et faits allégués, surtout que la majorité des auteurs des dépositions soumises par le Requérant en vue de prouver le versement de pots-de-vin aux électeurs sont revenus sur leurs témoignages et que les personnes accusées d’avoir versé lesdits pots-de-vin aux électeurs ont nié les propos qui leur ont été attribués et ce, étant donné que les documents produits par le Requérant pour prouver les menaces et rumeurs qu’il allègue n’établissent aucunement que les députés dont la députation est contestée y sont liés de quelque manière que ce soit et que l’allégation relative au trucage du nombre d’électeurs n’a été accompagnée d’aucune preuve ou commencement de preuve, ce qui ne peut être vérifié vu l’absence de sérieux et d’enregistrement de toute objection à cet égard dans les procès-verbaux des élections.

Considérant qu’il appert du recours que le Requérant reconnaît que l’écart entre les voix qu’il a obtenues et celles que les députés dont la députation est contestée ont obtenues, s’élève à 12 480 voix par rapport au premier Défendeur, le député Elias Skaff et à 11 526 voix par rapport au deuxième Défendeur, le député Nicolas Fattouche.

Considérant qu’il est admis par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel dans les affaires électorales, qu’en la présence d’un tel écart considérable entre les voix obtenues par chacun des candidats, les irrégularités commises au cours du processus électoral ne peuvent entraîner l’annulation des élections contestées, sauf dans le cas où elles sont dangereuses, nombreuses, graves et susceptibles d’avoir une incidence significative sur la validité des élections.

Considérant qu’il ne suffit pas que le Requérant allègue l’existence de telles irrégularités mais qu’il est tenu de les prouver ou d’établir la véracité des faits allégués à travers une preuve ou du moins, un commencement de preuve pour que le Conseil Constitutionnel puisse exercer les prérogatives dont il jouit en matière d’enquête sur les irrégularités alléguées ou alors, il faut qu’il ressorte des documents relatifs aux élections que lesdits faits et irrégularités figurent dans les procès-verbaux du scrutin ou ont fait l’objet d’une objection devant les commissions judiciaires de dépouillement. Par ailleurs, le Requérant est également tenu de prouver que les députés élus dont la députation est contestée doivent leur victoire aux dites irrégularités, ce qui signifie qu’il doit prouver l’existence d’une relation causale entre les irrégularités alléguées et la victoire du candidat dont la validité de la députation est contestée.

Considérant que le versement de pots-de-vin, l’achat de voix, le trucage du nombre d’électeurs, les pressions exercées sur les représentants et directeurs de la campagne électorale du Requérant, les fausses rumeurs répandues contre ce dernier et contre sa liste, ainsi que l’intervention des forces de la sécurité en la faveur des deux députés dont l’élection est contestée, irrégularités que le Requérant a attribuées aux députés dont l’élection est contestée, sont susceptibles de vicier le processus électoral, à condition toutefois, qu’elles soient prouvées et qu’elles aient entraîné la défaite du Requérant et la victoire de son concurrent.

Considérant que les dépositions écrites soumises par le Requérant pour prouver le versement de pots-de-vin et l’achat de voix ne peuvent être invoquées, surtout qu’aucune d’entre elles ne désigne une personne ayant procédé à l’achat de voix, que certaines sont suspectes, que les auteurs d’autres sont revenus sur leurs témoignages et que les listes soumises qui comprennent les noms de 197 personnes ayant acheté des voix en faveur de MM. Skaff et Fattouche ne mentionnent pas les noms des personnes qui ont vendu leurs voix. Par ailleurs, aucune plainte n’a été soulevée en ce qui concerne lesdites irrégularités alléguées et aucune objection n’a été enregistrée aux greffes des bureaux de vote, ce qui montre l’absence de sérieux des motifs allégués.

Considérant que les allégations relatives aux menaces, agressions, actes de violence, injures et coups de feu auxquels ont été sujets certains représentants du Requérant et directeurs de sa campagne électorale et le fait de soumettre trois plaintes à cet égard ne peuvent être pris en considération étant donné qu’il n’a pas été prouvé que les agressions alléguées sont liées au processus électoral, surtout que l’une de ces plaintes a été soumise le 04/09/2000, au soir, soit après les élections.

Considérant que l’allégation relative à l’existence de fausses rumeurs concernant le Requérant (une nouvelle publiée dans le quotidien Al Diyar) ne peut pas être invoquée étant donné que le Requérant a tôt fait de démentir la nouvelle le lendemain dans le même quotidien, sachant que la nouvelle mentionnée avait été publiée depuis plus d’un mois avant la date des élections.

Considérant que l’allégation relative au trucage du nombre des votants et le vote des expatriés ou des personnes se trouvant hors du territoire libanais est générique et ambiguë, étant donné que le nom d’aucun de ces votants n’a été mentionné et que le Requérant n’a pas précisé quels bureaux de vote ont été le théâtre des trucages allégués.

Considérant que même si le Conseil Constitutionnel jouit de larges prérogatives en matière d’enquête dans le cadre des recours électoraux et même si les procédures qu’il adopte sont de nature interrogatives et lui confèrent de larges prérogatives en matière d’enquête, ceci ne porte pas atteinte à la règle générale selon laquelle le Requérant est tenu, en principe, de prouver ses allégations ou du moins, d’apporter une preuve ou un commencement de preuve ou de prouver qu’il a soumis une plainte en ce qui concerne les irrégularités qu’il allègue au président du bureau de vote ou à la commission de décompte des voix.

Considérant que le Conseil Constitutionnel ne peut se baser sur les allégations et propos des parties au litige dans le cas où elles ne jouissent pas du degré requis de précision et qu’il ne peut s’arrêter aux accusations génériques ou non soutenues par une preuve ou un commencement de preuve sérieuse.

Considérant que, sur base de ce qui précède, il convient d’affirmer que la totalité des allégations du Requérant visant à invalider la députation des deux Défendeurs qui ont été proclamés élus pour les deux sièges grecs catholiques de la deuxième circonscription de la Békaa, caza de Zahlé, sont dénuées de tout sérieux ainsi que de tout fondement juridique valide susceptible d’opérer un changement radical dans le résultat de l’élection.

Considérant que le Conseil Constitutionnel n’est pas compétent pour examiner les autres requêtes des Défendeurs figurant dans le corps de la présente décision.

Par ces motifs,

Et après délibération,

Le Conseil Constitutionnel décide :

Premièrement : En la forme

De recevoir le recours en la forme étant donné qu’il a été intenté dans le délai légal et qu’il remplit toutes les conditions de forme et de rejeter tous les motifs contraires.

Deuxièmement : Au Fond

De rejeter le recours présenté par M. Walid Michel Choueiry, candidat battu au siège grec catholique du caza de Zahlé, deuxième circonscription électorale de la Békaa, au cours des élections législatives de l’année 2000.

Troisièmement : De rejeter les autres requêtes des Défendeurs pour incompétence.

Quatrièmement : De notifier le Président de la Chambre des députés, le Ministère de l’intérieur ainsi que les parties concernées de la présente décision.

Cinquièmement : De publier la présente décision au Journal Officiel.

 

Décision rendue le 8 décembre 2000.