Décision No. 4/2001
Décision No. 4/2001
Date: 29/09/2001
Articles en question | convention internationale des droits de l'homme Constitution Art. 16, 18, 38 et 57 |
Recours No. : 3/2001
Requérants: Antoine Andraos – Nabil Boustani – Mansour El-Bone – Pierre Gemayel – Mohammed Hajjar – Bassem Sabeh – Fouad Saad – Ghazi Aridi – Fares Boueiz - Ala’aeddine Tarou – Walid Joumblatt – Boutros Harb – Pierre Hélou – Marwan Hamadé – Salah Honein – Fares Saïd – Amine Choucair – Akram Chéhayeb – Nehmé Tohmé – Elie Aoun – Antoine Ghanem – Ahmad Fatfat – Abdallah Farhat – Georges Kassargi – Albert Mokhaiber – Nayla Mouawad – Farid Makari – Georges Nehmé.
Loi objet du recours: La loi No. 359 datée du 16 août 2001 relative à l’amendement de certains articles du Code de Procédure Pénale et publiée au Journal Officiel No. 41 du 18/08/2001, vu son inconstitutionnalité.
Le Conseil Constitutionnel,
Réuni en son siège en date du 29/09/2001, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres Houssein Hamdan, Faouzi Abou Mrad, Salim Jreyssati, Sami Younes, Afif Mokaddem, Moustapha Mansour, Gabriel Syriani et Emile Bejjani.
Vu l’article 19 de la Constitution,
Et après lecture du libellé du recours ainsi que du rapport du membre rapporteur,
Considérant qu’il appert que les Requérants ont présenté, le 1er septembre 2001, un recours auprès de la présidence du Conseil Constitutionnel, enregistré au greffe du Conseil Constitutionnel sub No. 3/2001 et demandant de recevoir le recours en la forme étant donné qu’il remplit toutes les conditions de forme et au fond, de rendre une décision ordonnant l’annulation de la loi objet du recours dans sa totalité et ce, pour les motifs suivants :
1- La loi est contraire à l’article 38 de la Constitution ainsi qu’au principe de la stabilité législative.
2- La loi est contraire à l’article 57 de la Constitution ainsi qu’aux prérogatives y figurant.
3- La loi est contraire aux dispositions de l’article 8 de la Constitution, à celles prévues à l’alinéa B du préambule de la Constitution ainsi qu’aux principes fondamentaux prévus à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à laquelle la Constitution est engagée.
Dans le préambule de l’assignation du recours, les Requérants ont énuméré les faits qui ont accompagné l’amendement des dispositions du Code de Procédure Pénale au Liban suite à l’échec dudit code à instaurer la justice et à fournir les garanties nécessaires aux citoyens. Les Requérants ont expliqué le processus laborieux qui a abouti à l’élaboration et à l’adoption de la nouvelle loi et, par la suite, à l’exercice, par le Président de la République, de son droit constitutionnel qui consiste à demander la révision de la nouvelle loi, ainsi qu’à la Chambre des députés en son Assemblée générale le 26 juillet 2001 qui a ratifié la loi à nouveau par la majorité absolue, ce qui a obligé le Président de la République à promulguer la loi et à demander sa publication conformément aux procédures en vigueur. Cependant, dix députés dont la plupart figuraient parmi ceux qui ont voté à la majorité absolue, ont présenté le 8 août 2001, une proposition de loi de référé visant à amender la loi qui avait déjà été ratifiée par la Chambre des députés le 26 juillet 2001. Or, ils avaient inclus, dans leur proposition, les mêmes articles que le Président de la République avait demandé de réviser et que la Chambre des députés avait rejetés lorsque certains députés avaient demandé leur amendement lors de l’assemblée générale du 26 juillet 2001. A la lumière de la nouvelle proposition de loi soumise et pour des raisons que les Requérants considèrent sans relation aucune avec les procédures de législation ou avec l’émergence de nouvelles circonstances contraignantes, le Parlement ne pouvait que ratifier la proposition de loi susmentionnée au cours de son assemblée générale du 13 août 2001.
Les Requérants ont invoqué les motifs suivants :
Premièrement : Concernant la violation de l’article 38 de la Constitution et du principe de la stabilité législative
Les Requérants ont allégué à cet égard, qu’il ressort de la révision de la proposition de loi ratifiée par le Parlement au cours de sa réunion du 13 août 2001 et de la comparaison de ses articles aux propositions soumises par certains députés au cours de la réunion de la Chambre le 26 juillet 2001 et qui n’avaient pas été approuvées par la Chambre à cette date, que lesdites propositions et remarques sont identiques. La proposition de loi de référé et réitérée qui avait été adoptée par la Chambre des députés le 31 août 2001 comprenait l’amendement des articles 13, 14, 32, 42 et 47 de la loi No. 328 promulguée en date du 02/08/2001 (Code de Procédure Pénale), alors que le contenu desdits articles avait déjà fait l’objet d’une étude et que certains députés, dont notamment le président de la commission d’administration et de justice, avaient soumis, au cours de la réunion du 26 juillet 2001, des propositions à cet égard qui n’ont pas été approuvées par la Chambre des députés, tel qu’il ressort des procès-verbaux produits en annexe au recours. Par conséquent, la nouvelle proposition de loi a déjà été soumise au cours de la même session et n’avait pas été approuvée par la Chambre. Ainsi, la réunion au cours de laquelle les propositions soumises par certains députés en vue d’amender les articles susmentionnés ont été rejetées a eu lieu le 26 juillet 2001 alors que la réunion au cours de laquelle la nouvelle proposition de loi a été approuvée a eu lieu le 13 août 2001, sachant que la session exceptionnelle que les députés ont été appelés à tenir en vertu du décret No. 5579 daté du 05/06/2001 débutait le 11 juin 2001 et prenait fin le 15 octobre 2001, ce qui signifie que les deux réunions de la Chambre des députés, l’une en date du 26 juillet 2001 et l’autre en date du 13 août 2001, ont eu lieu au cours de la même session exceptionnelle.
Les Requérants allèguent que l’article 38 de la Constitution stipule de manière expresse que toute proposition de loi qui aura été rejetée par la Chambre ne pourra être représentée durant la même session. Par conséquent, l’approbation de la proposition de loi au cours de la réunion du 13 août 2001 après que celle-ci avait été rejetée au cours de la réunion du 26 juillet 2001, tel qu’il ressort de ce qui précède, constitue une violation claire de la Constitution, ce qui entraînerait l’annulation de la loi objet du recours. Il appartient au Conseil Constitutionnel de veiller au respect des règles prévues à la Constitution et auxquelles il convient de se conformer lors de l’élaboration des lois.
Les Requérants allèguent également que le principe de la stabilité législative est considéré comme l’un des fondements essentiels du régime politique libanais et que porter atteinte à ce principe reviendrait à porter atteinte à la plus importante valeur constitutionnelle et exposerait l’acte lui portant atteinte à l’annulation.
Les Requérants concluent à cet égard qu’il convient d’annuler la loi objet du recours étant donné qu’elle est contraire aux dispositions de l’article 38 de la Constitution ainsi qu’au principe de la stabilité législative.
Deuxièmement : Concernant la violation de l’article 57 de la Constitution et le contournement de ses dispositions :
Les Requérants allèguent à cet égard que la Constitution libanaise qui a défini les autorités constitutionnelles, leurs activités ainsi que leurs prérogatives, a accordé au Président de la République une prérogative exceptionnelle, à savoir le droit de demander une seule fois une nouvelle délibération sur la loi qui ne peut lui être refusée et ce, dans le délai fixé pour sa promulgation. Or, la Constitution prévoit que le Président de la République est tenu de promulguer une loi et de la publier si cette loi a été votée à la Chambre par la majorité absolue des membres composant légalement cette Assemblée, sous peine de considérer la loi exécutoire de plein droit et devant être publiée, conformément à l’article 57 de la Constitution.
Les Requérants ajoutent que le Président de la République jouit de ce droit absolu étant donné qu’il est le gardien de la Constitution et de l’intérêt public et que s’il considère que la loi qu’il doit signer porte atteinte à la Constitution ou à l’intérêt public, il peut exercer ses prérogatives de renvoi prévues à la Constitution, ce qui explique le fait que l’article 57 de la Constitution ait prévu l’adoption de la loi par la majorité absolue des membres composant la Chambre des députés, lors de la nouvelle délibération. Par conséquent, l’article 57 de la Constitution préserve l’équilibre entre les prérogatives du Président de la République et celles de la Chambre des députés, définit les limites de tout désaccord entre eux ainsi que toutes les règles et solutions y relatives, rendant ainsi toute tentative de contournement de cet article une violation de ses dispositions.
Les Requérants allèguent également que l’intervention d’un ou de plusieurs membres de la Chambre des députés dans le processus constitutionnel prévu à l’article 57 de la Constitution en vue de le suspendre à travers la présentation d’une proposition de loi au cours de la même session législative visant à délibérer à nouveau sur la loi pour laquelle le Président de la République avait exercé le droit de demande d’une nouvelle délibération sans succès et que la Chambre des députés avait confirmée par la majorité absolue, représente un acte de contournement et de mauvaise interprétation des dispositions de la Constitution qui aboutirait à une troisième délibération sur la même loi, ce qui est contraire à l’article 57 susmentionné, qui soumet la législation, ses procédures et mécanismes aux tractations politiques et qui porte atteinte au principe de la stabilité législative, à la réputation de la Chambre des députés et à la confiance en le régime politique et en les gens au pouvoir. Par ailleurs, l’addition d’un nouveau moyen visant à procéder à une nouvelle délibération sur une loi qui avait été déjà adoptée par la Chambre des députés par la majorité requise et qui avait été confirmée par la majorité absolue suite à la demande d’une nouvelle délibération par le Président de la République, constitue une violation expresse de l’article 38 de la Constitution.
Les Requérants concluent à cet égard qu’il convient d’annuler la loi objet du recours étant donné que son adoption comportait un contournement et une violation des dispositions de la Constitution.
Troisièmement : Concernant la violation des droits constitutionnels du citoyen :
Les Requérants allèguent à cet égard que l’alinéa B du préambule de la Constitution libanaise prévoit que le Liban est engagé par les pactes de l’Organisation des Nations Unies ainsi que par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et que l’article 8 de la Constitution prévoit que « La liberté individuelle est garantie et protégée. Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi. Aucune infraction et aucune peine ne peuvent être établies que par la loi ». Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel, lors de son exercice de ses prérogatives de contrôle de la constitutionnalité de la loi objet du recours, peut vérifier la conformité de la loi incriminée aux principes constitutionnels et juridiques fondamentaux protégés ou prévus par la Constitution, ou auxquels elle s’engage dans ses articles ou dans son préambule.
Sur base de ce qui précède, les Requérants allèguent ce qui suit :
1- Il convient d’annuler les articles 13 et 14 amendés en vertu de la loi objet du recours, vu qu’ils sont contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
L’article 13 a consacré le droit de l’avocat général auprès de la Cour de Cassation de régler, de manière définitive, tout litige opposant une autorité non judiciaire au Parquet Général de la cour d’appel, au Parquet Général financier ou au Procureur de la République auprès du tribunal militaire, ce qui met l’individu ainsi que ses droits et libertés à la merci de l’autorité politique à laquelle il appartient, à travers le ministre de la Justice, de donner, au Parquet Général, des directives de poursuite ou de non poursuite judiciaire, ce qui est contraire au principe d’égalité du citoyen, de l’autorité et des gens au pouvoir devant la loi et à l’article 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui prévoit que « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de loi ».
L’article 14 amendé en vertu de la loi incriminée stipule que l’avocat général auprès de la Cour de Cassation peut procéder à une enquête directe ou par le biais des magistrats du Parquet qui lui sont rattachés ou des membres de la police judiciaire qui lui sont également rattachés sans qu’il n’ait le droit d’intenter une action en justice, ce qui soumettrait tout suspect à deux enquêtes préliminaires menées par le Parquet, la première par l’avocat général auprès de la Cour de Cassation qui n’a pas le droit d’intenter une action en justice et la deuxième menée par le Parquet de la cour d’appel, le Parquet financier ou le Parquet militaire qui peuvent intenter une action en justice, ce qui prolongerait la durée des enquêtes préliminaires et des détentions et qui est contraire à la présomption d’innocence consacrée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Les Requérants concluent à cet égard qu’il convient d’annuler les articles 13 et 14 amendés en vertu de la loi objet du recours.
2- Il convient d’annuler les articles 32, 42 et 47 amendés en vertu de la loi incriminée vu qu’ils sont contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En effet, les articles mentionnés prolongent la durée de détention pour les besoins de l’enquête, ce qui est contraire à la présomption d’innocence prévue à l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui prévoit ce qui suit : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes le garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ». Par ailleurs, la prolongation de la durée de détention exposerait le détenu à tous types de pression et de torture physique et morale, ce qui est également contraire à l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui prévoit que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
Les Requérants concluent à cet égard qu’il convient d’annuler les articles 32, 42 et 47 amendés en vertu de la loi objet du recours vu qu’ils sont contraires à l’article 8 de la Constitution et à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Sur base de ce qui précède,
Premièrement : En la forme :
Considérant que le recours a été intenté dans le délai légal et qu’il remplit toutes les conditions de forme, il est par conséquent recevable en la forme.
Deuxièmement : Au fond :
Le premier motif : Concernant la violation de l’article 38 de la Constitution et du principe de la stabilité législative :
Considérant qu’il appartient au Conseil Constitutionnel de vérifier, dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives de contrôle de la constitutionnalité de tout texte de loi objet d’un recours enregistré auprès de lui, si l’adoption dudit texte a eu lieu conformément aux dispositions de la Constitution, ce qui revient à examiner les vices d’inconstitutionnalité entachant les procédures législatives prévues à la Constitution ou consacrées par les règles générales fondamentales figurant au préambule ou dans le corps de la Constitution, ou à examiner les principes généraux ayant valeur constitutionnelle. Par conséquent, les prérogatives de contrôle exercées par le Conseil Constitutionnel ne se limitent pas au seul contenu du texte de loi incriminé ou à la seule vérification de sa conformité à la Constitution ainsi qu’aux règles et principes constitutionnels ci-dessus, ce qui a déjà été adopté par le Conseil Constitutionnel français depuis 1975 :
« Il appartient au Conseil Constitutionnel «non seulement de se prononcer sur la conformité des dispositions de cette loi à la Constitution, mais encore d’examiner si elle a été adoptée dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative » … et il arrive même aujourd’hui que seule la procédure législative soit contestée devant le Conseil Constitutionnel…
- C.C.75-57 – D.C. 23 juillet 1975, R. p. 24, cit. dans « Contentieux Constitutionnel »- Dominique Turpin – PUF 1994.
Considérant que le Conseil Constitutionnel considère que le fait d’invoquer l’article 38 de la Constitution dans le cadre du recours en vue de demander l’annulation de la loi incriminée, en raison de la non-conformité de ses procédures d’adoption au contenu de l’article susvisé, impose, en premier lieu, l’interprétation de l’article 38 de la Constitution, d’autant plus que l’interprétation de cet article n’avait jamais été soulevée auparavant à la lumière de l’exercice :
« Il conviendrait de relever de suite que cette difficulté d’interprétation que soulève l’article en cause (article 38 de la Constitution) ne présente qu’un aspect théorique. Jamais en effet, dans les annales parlementaires, ne vit-on au Liban un gouvernement s’obstiner à vouloir remettre en discussion un projet de loi rejeté par la Chambre en son assemblée générale, si tant est qu’elle ait jamais tenté d’esquisser un tel geste ».
- La Constitution Libanaise – Origines, textes et commentaires – Edmond Rabbath – Beyrouth 1982 (p. 262)
Considérant qu’il appartient au Conseil Constitutionnel d’interpréter la Constitution dans le cadre de son contrôle de la constitutionnalité d’un texte de loi pour déterminer l’étendue de sa conformité aux dispositions de la Constitution et considérant également que le Conseil qui contribue, de manière directe lors de l’exercice de ses prérogatives de contrôle ou de manière indirecte, lorsque le législateur évite un tel contrôle, à l’élaboration d’un texte constitutionnellement valable, confère au texte constitutionnel sa signification lorsqu’il procède à l’interprétation d’un texte constitutionnel dans le cadre d’un recours intenté pour inconstitutionnalité d’un texte de loi donné:
« L’appréciation portée par le Conseil Constitutionnel est le fruit du double travail d’interprétation qui est celui de tout juge, interprétation de la Constitution et interprétation de la loi en cause et dont le résultat est l’existence ou non d’un rapport de conformité entre la loi et la Constitution
- Contentieux Constitutionnel Français.
Guillaume Drago- PUF-1998 (p.308-309)
« Pour appliquer une disposition constitutionnelle, le Conseil doit, au préalable, déterminer sa signification…choisir, par un travail d’interprétation des mots, une signification parmi l’ensemble des possibles…La norme constitutionnelle n’apparaît, en tant qu’instance d’appréciation de la loi, qu’à partir du moment où le Conseil lui a donné un sens. »
- Droit du Contentieux Constitutionnel – Dominique Rousseau-Montchrestien – 4ème éd. (p. 414).
Considérant que l’article 38 de la Constitution qui prévoit ce qui suit : « Toute proposition de loi qui aura été rejetée par la Chambre ne pourra être représentée dans la même session », bien que clair en apparence, peut être déformé et requiert par conséquent, l’interprétation de l’expression « proposition de loi » pour que le Conseil Constitutionnel puisse trancher sur le présent recours. Or, cette interprétation ne peut être qu’étroite étant donné que la signification de l’expression ne peut être déduite de l’esprit du texte et que ledit article à caractère exécutif prévoit une interdiction (impossibilité de représenter une proposition de loi) ainsi qu’une exception à une règle générale (possibilité de légiférer à tout moment au cours des sessions législatives),
Considérant que le Conseil Constitutionnel considère que l’expression « proposition de loi » ne peut être interprétée qu’à la lumière de l’article 18 de la Constitution qui figure dans le Chapitre I, « Dispositions générales » Titre II, « Des pouvoirs », ce qui implique qu’il s’agit d’un article fondamental qui prévoit ce qui suit : « L’initiative des lois appartient à la Chambre des députés et au Conseil des ministres. Aucune loi ne peut être promulguée si elle n’a pas été votée par la Chambre des députés ». Cet article fondamental fait mention de l’initiative des lois ainsi que des propositions de loi et des projets de loi étant donné qu’il fait référence à la Chambre des députés et au Conseil des ministres. Il convient de noter que l’expression «proposition de loi » signifie également dans ce contexte « projet de loi ». Conformément au principe d’interprétation des textes en vue de les appliquer simultanément d’une manière harmonieuse et homogène, sans suspendre leurs effets, les écarter ou les diviser, l’interprétation globale ci-dessus s’applique à l’article 38 de la Constitution, en ce sens que l’expression « proposition de loi » qui y figure signifie également « projet de loi », ce qui implique que toute initiative législative émane de l’un des deux pouvoirs, législatif ou exécutif, auxquels l’initiative des lois appartient dans le cadre de la Constitution libanaise,
Considérant que l’article 34 de la Constitution, qui est également un article fondamental, corrobore cette interprétation de l’article 38. D’une manière générale, l’article 34 régit le processus de vote au sein de la Chambre des députés et prévoit que « Les votes sont acquis à la majorité des voix. En cas de partage égal, la question mise en délibération est rejetée. » Le mot « question » signifie autant le projet de loi que la proposition de loi,
Considérant que cette interprétation de l’article 38 de la Constitution est également corroborée par le fait que l’objectif visé par ledit article, à savoir éviter au pouvoir législatif de délibérer sur des textes qu’il avait déjà rejetés au cours de la même session, est entièrement justifié et motivé, que lesdits textes soient soumis au pouvoir législatif en vertu de propositions de loi ou de projets de loi, puisque les deux initiatives législatives ont en principe le même résultat au cours de la même session,
Considérant qu’il est admis par certains textes constitutionnels, par d’autres textes et règlements n’ayant pas valeur constitutionnelle ainsi que par les usages et pratiques, que la « proposition de loi » signifie l’initiative législative lancée par la Chambre des députés et que le « projet de loi » signifie l’initiative législative lancée par le Conseil des ministres et considérant que la Constitution libanaise ne prévoit pas les deux initiatives législatives susmentionnées de manière indépendante, complète et précise, contrairement à la Constitution française qui comprend plusieurs articles qui connaissent des propositions et projets de loi de manière expresse,
Considérant que l’article 38 de la Constitution englobe, dans ce cas, les projets et propositions de loi en même temps et interdit par conséquent de représenter, au cours de la même session, tout projet de loi ou proposition de loi qui aura été rejetée par la Chambre au cours de la session susvisée,
Considérant qu’à la lumière de ce qui précède, la loi objet du recours n’a été précédée d’aucune proposition de loi ou projet de loi similaires qui ont été rejetés par la Chambre au cours de la même session extraordinaire mentionnée dans le recours, sachant que la même session comprend la session ordinaire et la session extraordinaire, mais bien au contraire, la loi No. 328/2001 (Code de Procédure Pénale) a été approuvée par la Chambre des députés à deux reprises au cours de deux sessions différentes (lors de son adoption et lors de sa confirmation en raison d’une demande de révision faite à son égard), d’autant plus que la proposition de loi incriminée a également obtenu l’approbation de la Chambre au cours de la session extraordinaire durant laquelle la Chambre des députés a confirmé ladite loi. Par conséquent, nous sommes en présence d’une série d’approbations consécutives sur le texte concerné, alors que l’article 38 de la Constitution n’a prévu que le cas de non-approbation de la loi soumise.
Considérant qu’il convient, en vue de compléter les activités de contrôle et à la lumière des motifs invoqués dans le recours à cet égard voire même en les dépassant, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui se saisit de la loi incriminée dans son intégralité au-delà des limites imposées par le recours, ce qui signifie que le Conseil Constitutionnel se saisit de la totalité des aspects des procédures constitutionnelles de législation qui ont accompagné l’adoption de la loi, même si le recours ne les invoque pas de manière expresse ou en détail, que le Conseil Constitutionnel se pose les deux questions suivantes et apporte la réponse adéquate à chacune d’entre elles :
A- L’exercice, par le Président de la République, de son droit constitutionnel qui lui est réservé en vertu de l’article 57 de la Constitution, à travers la demande d’une nouvelle délibération sur la loi No. 328 datée du 02/08/2001 (Code de Procédure Pénale) et le refus, par la Chambre des députés, de ladite demande à travers la ratification de la loi susmentionnée avec introduction de légers amendements, par la majorité absolue prévue audit article et ce, au cours de la même session extraordinaire durant laquelle la proposition de loi incriminée a été adoptée sont-ils considérés comme une initiative législative qui n’a pas obtenu l’approbation de la Chambre au cours de la même session durant laquelle la proposition de loi incriminée a été présentée, ce qui nécessiterait l’application de l’article 38 de la Constitution conformément à l’interprétation précédemment adoptée par le Conseil Constitutionnel ?
En résumé, quel serait l’impact du décret de révision de la loi susmentionnée sur la loi d’amendement objet du présent recours ?
B- Les propositions d’amendement présentées par tout député au cours des sessions parlementaires et concernant une proposition de loi ou un projet de loi sur lequel la Chambre des députés doit délibérer en son assemblée générale sont-elles considérées des propositions de loi au sens de l’article 38 de la Constitution, ce qui implique que leur refus par la Chambre s’inscrit dans le cadre de l’application de cet article conformément à l’interprétation ci-dessus adoptée à cet égard ?
Considérant que le Conseil Constitutionnel apporte les réponses suivantes à ces deux questions:
A- Il convient de noter en premier lieu que le décret No. 5328 daté du 20/04/2001 en vertu duquel le Président de la République a demandé, conformément au droit qui lui est exclusivement réservé à l’article 57 de la Constitution, une nouvelle délibération sur le Code de Procédure Pénale a été publié et promulgué avant le début de la session exceptionnelle à laquelle la Chambre des députés a été convoquée en vertu du décret No. 5579 daté du 05/06/2001 qui a fixé l’ouverture de la session au 11/06/2001 et sa clôture au 15/10/2001.
Dans tous les cas, le décret de révision de la loi sur décision indépendante prise par le Président de la République ne s’inscrit absolument pas dans le cadre de l’exercice législatif et n’entraîne aucune initiative à cet égard étant donné que toute allégation ou opinion contraire porterait expressément atteinte à l’article 18 de la Constitution qui limite l’initiative des lois à la Chambre des députés et au Conseil des ministres, à l’article 16 de la Constitution qui prévoit que « Le pouvoir législatif s’exerce par une seule Assemblée : la Chambre des députés », ainsi qu’à l’article 51 de la Constitution qui n’autorise pas le Président de la République à modifier les lois après leur approbation et publication et ce, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, principe constitutionnel consacré au préambule de la Constitution.
Si la morale à tirer de la position de la Chambre des députés en ce qui concerne la demande de révision de la loi était comme elle devrait l’être, il en ressort que cette prise de position a eu lieu au cours de la session extraordinaire susmentionnée et consiste à rejeter la révision et à approuver la loi par la majorité absolue prévue à l’article 57 de la Constitution.
Considérant que l’article 57 de la Constitution prévoit que « Dans le délai fixé pour la promulgation, le Président de la République peut, après avoir informé le Conseil des ministres, demander une seule fois une nouvelle délibération sur la loi qui ne peut lui être refusée. Quand le Président use de ce droit, il n’est tenu de promulguer une loi que si cette loi a été votée à la Chambre en seconde délibération, par la majorité absolue des membres composant légalement cette Assemblée. »
Considérant qu’il ressort du texte susmentionné que la demande d’une nouvelle délibération sur une loi aboutit à la suspension de ses effets et libère le Président de la République de sa publication jusqu’à ce qu’elle soit révisée par la Chambre des députés et confirmée par la majorité absolue, sans que ladite suspension n’entraîne la disparition de ladite loi, étant donné qu’en cas d’expiration du délai fixé par la Constitution pour la promulgation ou la demande de révision d’une loi, sans qu’une décision ne soit prise à cet égard, la loi est automatiquement considérée exécutoire et doit être publiée sans aucune formalité supplémentaire,
Considérant que les prérogatives dont jouit la Chambre des députés, en sa qualité d’Assemblée à laquelle l’article 16 de la Constitution a exclusivement conféré l’exercice du pouvoir législatif sans aucune limite, l’autorisent, lors de sa saisine de la loi à réviser, à délibérer à nouveau sur cette dernière dans son intégralité sans limite aucune et de l’approuver dans tous ses détails, d’y introduire certains amendements ou de la rejeter dans sa totalité, quels que soient les motifs de la demande de révision, si motifs il y a, ou indépendamment de son cadre dans le cas où ce dernier est défini,
Considérant que bien que la Chambre des députés jouisse pleinement de son pouvoir législatif lorsque le Président de la République lui demande de réviser une loi donnée, conformément à l’article 57 de la Constitution, la confirmation ou l’amendement, par la Chambre, de la loi concernée ne constituent pas une nouvelle proposition de loi et la définition ou la nature d’une proposition de loi ne dépendent pas de la position de la Chambre des députés quant à la loi à réviser et ce, pour les quatre motifs suivants au moins :
- L’article 57 de la Constitution ne concerne pas la législation et ne réglemente pas le processus de vote et l’approbation de la loi au cours d’une deuxième délibération. En effet, ledit article concerne exclusivement le pouvoir exécutif, notamment le Président de la République et figure dans le chapitre IV intitulé « Du pouvoir législatif » du titre II intitulé « Des pouvoirs » de la Constitution. Cet article réglemente les cas où le Président de la République est tenu de promulguer et de demander la publication d’une loi après qu’il a exercé son droit de demande d’une nouvelle délibération et que la Chambre des députés a rejeté cette demande à la majorité absolue.
- La loi à réviser reste en vigueur et ses effets sont suspendus jusqu’à ce que la Chambre des députés prenne une décision à son égard autrement, l’article 57 de la Constitution aurait conféré au Président de la République le droit d’annuler une loi et de la faire disparaître, alors qu’il n’a même pas le droit d’amender une loi après sa promulgation, conformément à l’article 51 de la Constitution, ce que la Constitution n’autorise aucunement, conformément au principe de la séparation et d’équilibre des pouvoirs.
- Si le législateur constitutionnel avait voulu faire de la position de la Chambre des députés d’une loi à réviser ou de toute nouvelle initiative législative en général, une simple proposition de loi, il n’aurait pas imposé la réalisation de la majorité absolue pour l’approbation de ladite loi mais se serait contenté de la majorité simple prévue à l’article 34 de la Constitution pour que le Président de la République soit tenu de promulguer la loi objet de la demande de révision.
- Le Président de la République exerce les prérogatives qui lui sont exclusivement réservées à l’article 57 de la Constitution étant donné qu’il veille au respect de la Constitution et des hauts intérêts du pays, conformément aux dispositions des articles 49 et 50 de la Constitution, en ce sens que nul ne peut limiter ou accabler ces prérogatives par aucune autre règle d’exercice ou restriction que celles prévues à l’article les réglementant, de manière à pouvoir considérer la confirmation de la loi par la Chambre des députés comme susceptible d’éviter à ladite Chambre ou au Conseil des ministres la présentation d’une proposition de loi ou d’un projet de loi pour que la Chambre puisse délibérer sur cette loi au cours de la même session.
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime, à la lumière de ce qui précède, qu’une nouvelle délibération sur la loi sur demande du Président de la République et sa confirmation par la Chambre des députés par rejet de ladite demande de révision ne peuvent être qualifiées d’initiative législative qui n’a pas obtenu l’approbation de la Chambre des députés, au sens de l’article 38 de la Constitution.
B- Il convient de noter en premier lieu que la proposition d’amendement présentée par le député à la Chambre des députés en son assemblée générale et qui vise à amender un texte de loi soumis à la délibération par-devant la Chambre des députés en son assemblée générale, n’est pas prévue à la Constitution libanaise, contrairement à la Constitution française de 1958, notamment son article 44 qui prévoit ce qui suit :
Article 44 : « Les membres du Parlement et le gouvernement ont le droit d’amendement ».
La Constitution française réglemente le droit d’amendement susvisé qui appartient aux membres du Parlement et au gouvernement et lui consacre un mécanisme bien déterminé. La Constitution libanaise quant à elle, à l’instar de la Constitution française de 1875, ne fait pas mention de ce droit, ni au niveau des principes ni en ce qui concerne la réglementation. Le règlement intérieur de la Chambre des députés connaît dudit droit et fait mention des propositions d’amendement émises par les députés en ce qui concerne les projets et propositions à étudier. Il a également donné la priorité de délibération et de vote à différentes propositions émises par les députés au cours des sessions, y compris les propositions d’amendement.
Bien que le règlement intérieur de la Chambre des députés ne constitue pas une norme de référence constitutionnelle sur laquelle le Conseil Constitutionnel peut se baser dans le cadre de l’exercice de son contrôle. Cependant, le Conseil Constitutionnel peut, à tout moment, se baser sur ledit règlement intérieur et invoquer certains de ses articles, notamment dans le cas où l’une de ses dispositions conforte les principes fondamentaux du régime démocratique parlementaire qui constitue le système politique libanais conformément à l’alinéa C du préambule de la Constitution, à l’instar, par exemple, des textes relatifs au droit des députés de proposer des amendements des projets et propositions de loi au cours de leur délibération au sein de la Chambre des députés, notamment dans le cas où la Constitution ne prévoit aucune disposition à cet égard,
Considérant qu’il appert de l’examen du règlement intérieur de la Chambre des députés, à titre indicatif uniquement et en l’absence de tout autre texte juridique express ayant valeur constitutionnelle, que les propositions d’amendement présentées par les députés au cours de leurs sessions concernent des propositions de loi ou des projets de loi soumis à la délibération, en ce sens qu’elles ne peuvent en aucun cas désigner les propositions de loi prévues à l’article 38 de la Constitution, comme le Conseil l’a déjà expliqué dans le cadre de la présente décision, ou celles prévues à l’article 101 du règlement intérieur de la Chambre des députés qui a été ratifié au cours de la session du 18/10/1994, étant donné que l’élaboration des lois passe obligatoirement par les deux étapes suivantes :
- La phase de l’initiative législative représentée par les propositions ou projets de loi soumis à la Chambre, soit par le Conseil des ministres en ce qui concerne les projets de lois soit par les députés en ce qui concerne les propositions de loi. Ces initiatives législatives entraînent la législation, à savoir le processus d’élaboration des lois par la Chambre des députés qui est la seule Assemblée qui jouit des prérogatives d’élaboration des lois en vertu de la Constitution.
- La phase de la discussion législative durant laquelle la délibération sur les projets et propositions de loi soumis à la Chambre a lieu. Cette phase s’inscrit au coeur de l’élaboration des lois étant donné que la Chambre des députés, lors de sa délibération sur tout projet ou proposition de loi, élabore le texte en préparation de sa décision.
Les propositions d’amendement présentées par les députés et qui concernent un projet de loi ou une proposition de loi soumis à la délibération s’inscrit dans la phase susmentionnée, à savoir dans la phase de discussion du texte de loi soumis au pouvoir législatif sur initiative des députés eux-mêmes ou sur initiative du pouvoir exécutif.
Considérant que le pouvoir de légiférer, à savoir le pouvoir d’élaborer des lois, est un pouvoir absolu que la Constitution a limité à une seule Assemblée, la Chambre des députés conformément aux dispositions expresses de l’article 16 de la Constitution. Ledit pouvoir représente un droit souverain qui puise sa source, sa force ainsi que sa légitimité du peuple qui l’exerce à travers l’institution constitutionnelle qui en est investie, à savoir la Chambre des députés, conformément à l’alinéa D du préambule de la Constitution,
Considérant qu’il appartient au pouvoir législatif, vu ses prérogatives constitutionnelles, d’élaborer une loi, d’annuler une loi en vigueur ou pas encore promulguée ou d’amender les dispositions de cette dernière à tout moment, sans que cet exercice ne constitue une violation des dispositions de la Constitution ou ne soit soumis au contrôle du Conseil Constitutionnel, tant que l’élaboration, l’annulation ou l’amendement n’ont pas porté préjudice à un texte constitutionnel express, une règle constitutionnelle fondamentale, un droit constitutionnel fondamental ou un principe ayant valeur constitutionnelle, conformément à la jurisprudence dudit Conseil. Il s’agit là des seules limites imposées aux prérogatives du pouvoir législatif,
Considérant que l’article 38 de la Constitution, qui est un article à caractère exécutif, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, ne peut être interprété comme posant des restrictions au pouvoir législatif, à savoir le pouvoir absolu dont jouit la Chambre des députés dans le cadre de l’élaboration des lois, mais est exclusivement relatif à la première phase de législation, l’initiative législative en ce sens qu’il n’encombre pas la Chambre des députés de propositions de loi ou de projets de loi qu’elle avait précédemment refusé d’adopter au cours de la même session et ne soumet pas ces propositions et projets de loi à une nouvelle délibération au sein de ladite Chambre. Cependant, dans le cas où la Chambre des députés est saisie d’une proposition de loi ou d’un projet de loi, elle est tenue de prendre en considération les propositions d’amendement présentées par les députés au cours des sessions législatives au cours desquelles les textes soumis font l’objet d’un examen, de délibération, d’amendement, de sous-amendement et d’adoption ou alors de rejet, de renvoi ou d’ajournement à une deuxième session, ainsi que d’autres décisions qui peuvent être prises par la Chambre des députés après sa saisie du texte de loi concerné,
Considérant que le fait que l’article 38 de la Constitution n’englobe pas les propositions d’amendement présentées par les députés au cours des sessions législatives est renforcé non seulement par l’impossibilité d’imposer des restrictions au pouvoir législatif au cours de la phase de la discussion législative conformément aux dispositions de la Constitution mais également par le principe de l’équilibre des pouvoirs prévu à l’alinéa E du préambule de la Constitution et consacré par ses articles relatifs à la réglementation des différentes autorités constitutionnelles et de leurs prérogatives,
Considérant que toute violation de l’équilibre des pouvoirs est une violation expresse de la Constitution qui nécessite le contrôle du Conseil Constitutionnel et considérant que dans le cas où un ou plusieurs députés paralysent le pouvoir d’initier la législation dont jouit le Conseil des ministres en empêchant ce dernier d’élaborer un projet de loi ou de le renvoyer à la Chambre des députés pour délibération au cours d’une session législative déterminée, le simple fait que la Chambre des députés ait refusé d’approuver les propositions d’amendement présentées par ce ou ces députés au cours de la même session représente une violation du principe d’équilibre des pouvoirs étant donné qu’un pouvoir ou les personnes jouissant de ce pouvoir ont paralysé les prérogatives d’un autre pouvoir, contrairement aux textes constitutionnels,
Considérant que dans le cas où un ou plusieurs députés paralysent le pouvoir d’initier la législation dont jouit la Chambre des députés en empêchant l’élaboration d’une proposition de loi dans le cas où un ou certains députés avaient présenté des propositions d’amendement de textes similaires que la Chambre n’avait pas approuvés au cours de la même session législative, ledit ou lesdits députés sont par conséquent investis de larges pouvoirs qui influent sur le pouvoir d’initier la législation dont jouit la Chambre des députés qui est l’organe législateur ayant des pouvoirs illimités, outre les limites prévues à la Constitution,
Considérant que sur base des solutions adoptées à cet égard par le droit comparé, notamment la Constitution française de 1958, il appert que ces textes constitutionnels, bien que différents des textes constitutionnels libanais, prévoient le droit d’amendement ainsi que les mécanismes et limites de l’exercice dudit droit et le considèrent comme le corollaire de l’initiative législative, sans qu’il ne puisse remplacer l’initiative législative :
« Le droit d’amendement ne peut être utilisé à la place des projets et propositions de loi mentionnés à l’article 39 de la Constitution ».
La Constitution de la Ve République – Pratique et Jurisprudence – Charles Debbasch – Dalloz 1999 (p. 178, no. 6).
Considérant que le Conseil Constitutionnel français, dans le cadre de son approche des articles 39, alinéa 1 et 44, alinéa 1 de la Constitution française veille à ce que le Sénat et la Chambre des députés ne soient pas privés de leur liberté d’exercer le droit d’amendement qui leur est réservé par la Constitution étant donné que :
« La possibilité de proposer des modifications au texte soumis aux Assemblées est devenue, sous la Ve République, l’élément essentiel de la phase de discussion législative ».
Droit du Contentieux Constitutionnel – Dominique Rousseau-Montchrestien – 4e éd. (p. 252).
« Selon l’article 39-1 de la Constitution, « l’initiative des lois appartient concurremment au premier ministre et aux membres du Parlement»,auxquels l’article 44-1 confère également – de même qu’aux gouvernements, contrairement à la tradition républicaine d’avant 1958 – le droit d’amendement. Le Conseil Constitutionnel ville à ce que députés et sénateurs, dont très peu de propositions de lois aboutissent, ne puissent pas se lier eux-mêmes par des clauses de non-modification relatives au délai ou au contenu, mais soient en mesure d’exercer « réellement » leur droit d’amendement (et de sous-amendement, qualifié d’ « indissociable » bien que non expressément cité dans le texte constitutionnel), tant par l’ampleur des discussions devant les assemblées… que par le nombre et l’importance des modifications apportées au cours des débats »…
- Contentieux Constitutionnel – Dominique Turpin – PUF 1994 – (p.517)
Considérant que, à la lumière du droit comparé français également et sous la IIIe République, Eugène Pierre a écrit ce qui suit :
« L’amendement se distingue de la proposition (NB : ou du projet) en ce qu’il n’a pas, comme celle-ci, le pouvoir de faire naître une question nouvelle ; il ne peut se produire qu’à l’occasion d’une affaire dont la Chambre est déjà saisie ».
- Traité de droit politique, électoral et parlementaire, Eugène Pierre, 1893 (p.734).
Considérant que, à la lumière de ce qui précède, le Conseil Constitutionnel considère que les propositions d’amendement présentées par tout député au cours des sessions parlementaires et qui concernent une proposition de loi ou un projet de loi soumis à la délibération de la Chambre des députés en son assemblée générale ne constituent pas des propositions de loi au sens de l’article 38 de la Constitution, ce qui signifie en d’autres termes que si un député avait présenté des propositions d’amendement d’une loi donnée et que celles-ci avaient été rejetées lors du vote et n’avaient pas obtenu l’approbation de la Chambre des députés, aucun obstacle constitutionnel n’empêche une nouvelle présentation de la proposition de loi ou du projet de loi à la Chambre des députés, à travers des textes similaires aux propositions susmentionnées. Par conséquent, les propositions d’amendement des articles 13, 14, 32, 42 et 47 de la loi No. 328/2001 (Code de Procédure Pénale) présentées par un député au cours de la session législative et rejetées sans l’approbation de la Chambre, peuvent être soumises à nouveau à la délibération de la Chambre des députés en son assemblée générale au cours de la même session et ce, sous forme de proposition de loi. Il convient par conséquent de rejeter le premier motif invoqué à cet égard.
En ce qui concerne le principe de la stabilité législative que le recours s’est contenté de considérer comme l’un des fondements essentiels du système politique libanais et de voir en sa violation une violation des valeurs constitutionnelles les plus importantes, ce qui exposerait tout acte lui portant atteinte à l’annulation, le Conseil Constitutionnel considère que ce motif ne peut être retenu pour les raisons suivantes :
- Il convient de noter en premier lieu que la loi incriminée ne porte pas préjudice au principe de la stabilité législative étant donné qu’il s’agit d’une loi d’amendement qui est entrée en vigueur dès sa publication dans le Journal Officiel No. 41 du 18/08/2001. Cette loi modifie certains articles de la loi No. 328/2001 (Code de Procédure Pénale) qui a été adoptée et publiée sans entrer en vigueur, étant donné que son l’article 429 prévoit que « la présente loi entre en vigueur trois mois après sa publication dans le Journal Officiel », soit pas avant le 07/11/2001, ce qui implique que l’amendement de ladite loi ne peut être considéré comme portant préjudice au principe de la stabilité législative, tant que le texte n’est pas encore entré en vigueur ni devenu stable au sens du principe susmentionné.
- Le principe de la stabilité législative n’est pas un principe constitutionnel ou ayant valeur constitutionnelle et le Conseil Constitutionnel ne peut conférer cette qualité ou valeur au principe susmentionné, à la lumière des dispositions constitutionnelles expresses détaillées ci-dessus qui ont consacré l’initiative législative de la Chambre des députés et du Conseil des ministres sans leur imposer aucune limite outre celles prévues à l’article 38 de la Constitution et qui ont confié le pouvoir législatif à la Chambre, un pouvoir souverain et absolu exclusivement limité par les restrictions prévues à la Constitution ainsi qu’aux pactes, règles, droits et principes auxquels la Constitution se réfère et confère une valeur constitutionnelle. Toute législation dépassant ces limites et soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel peut être annulée :
« Le législateur est libre de modifier des dispositions législatives même récemment adoptées dès qu’elles ne privent pas, comme en l’espèce, de garanties légales des principes constitutionnels ».
- C.C. 92-317. D.C., 21 janvier 1993, R. p.27. cit. dans « Droit du Contentieux Constitutionnel » Dominique Rousseau-Montchrestien, 4ème éd. (p.127)
« Le législateur ne peut lui-même se lier… une loi peut toujours et sans condition, fût-ce implicitement, abroger ou modifier toute loi antérieure ou y déroger ».
- C.C. 82-142 D.C., 27 juillet 1982, R. p.52.
Ce qui implique que les députés peuvent proposer des lois ainsi que des actes législatifs sur tout sujet, à tout moment et conformément aux limites prévues à la Constitution,
- La législation vise à réglementer la vie publique ainsi que les intérêts des individus et des communautés. Elle est adaptée aux exigences et à l’évolution de cette vie et de ces intérêts ; elle leur assure un cadre juridique garantissant le bon exercice et la protection des droits et garantit le respect de l’intérêt général. C’est ainsi que la législation est supposée avoir pour objectif la protection de l’intérêt général et des droits dont jouissent les individus et communautés vivant sur le territoire sur lequel l’Etat exerce sa souveraineté. Ainsi, les considérations qui appellent le législateur à légiférer en vue de réaliser ou d’accompagner ces objectifs doivent toujours viser à préserver l’intérêt général. Le conseil Constitutionnel ne peut exercer ses prérogatives de contrôle sur ces considérations qui dictent la législation au législateur étant donné que la juridiction constitutionnelle n’examine pas l’opportunité de la législation mais plutôt sa constitutionnalité, ce qui est exprimé par certaines jurisprudences arabes « le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des législations ne s’étend pas à l’opportunité de leur élaboration » ainsi que par des jurisprudences françaises :
« Le Conseil a souvent rappelé qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement » et que « il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité de dispositions législatives ».
- Contentieux Constitutionnel Français – Guillaume Drago – PUF 1998 (p. 306-307)
Si le Conseil Constitutionnel avait pu contrôler l’opportunité des législations, c’est à dire contrôler les différentes considérations et motifs qui ont porté le législateur à élaborer la loi incriminée, alors qu’il avait, au cours de la même session, confirmé ladite loi avant de l’amender en refusant d’y introduire des amendements similaires à ceux figurant dans la loi incriminée, il aurait pris une position différente par rapport à la dernière législation, à savoir une position négative de par son orientation et son contenu, ce qui aurait représenté plus qu’une simple condamnation morale du législateur mais plutôt une condamnation de la législation tout entière qui entraînerait son annulation en raison de l’écart législatif.
Par conséquent et à la lumière de ce qui précède, le Conseil Constitutionnel considère que la loi incriminée ne porte aucunement préjudice au principe de la stabilité législative, même si ce principe ne jouit pas à l’origine de la protection constitutionnelle. Il convient par conséquent de rejeter ce motif également.
Le deuxième motif : Concernant la violation de l’article 57 de la Constitution et le contournement de ses dispositions :
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime, dans le cadre de son examen du premier motif sur lequel le présent recours s’est basé, que l’article 57 de la Constitution ne concerne pas la législation et ne réglemente pas le processus d’adoption de la loi au cours d’une nouvelle délibération, mais est relatif au pouvoir exécutif et réglemente les cas où le Président de la République est tenu de promulguer une loi après que la Chambre des députés eut rejeté sa demande de nouvelle délibération par la majorité absolue et que l’exercice, par le Président de la République, de son droit indépendant de demander une nouvelle délibération sur la loi et les prérogatives d’initiation de la législation réservées à la Chambre des députés et au Conseil des ministres en vertu de la Constitution ne sont aucunement liés, à l’instar du pouvoir d’adoption de la législation, c’est à dire celui d’élaboration des lois qui appartient exclusivement à la Chambre des députés, conformément à la Constitution.
Considérant que le Conseil Constitutionnel considère que la partie ayant présenté la proposition de loi incriminée a exercé son droit constitutionnel l’autorisant à proposer des lois, conformément à l’article 18 de la Constitution et que l’exercice de son droit ne s’inscrit pas dans le cadre de la procédure constitutionnelle prévue à l’article 57 de la Constitution. Il s’agit là d’un acte totalement indépendant de l’opération de proposition de lois et tout droit constitutionnel n’en annule pas un autre lors de l’exercice de l’un d’entre eux,
Considérant que dans ce cas, la proposition de loi résultant de l’exercice, par un groupe de députés, d’un droit constitutionnel ne peut représenter un contournement des dispositions ou une déformation de la Constitution par le simple fait qu’elle entraîne une lecture supplémentaire de la loi étant donné qu’il est impossible d’attribuer à l’article 57 plus de résultats que ceux qu’il prévoit et qu’il ne peut, dans tous les cas, suspendre, dans le cadre de l’exercice du droit qu’il prévoit, le droit de proposer et d’élaborer des lois, sauf disposition contraire figurant dans un texte constitutionnel en vigueur, une règle fondamentale ou un des principes ayant valeur constitutionnelle,
Considérant que le Conseil Constitutionnel a considéré que l’article 38 de la Constitution n’a pas fait l’objet de violation, il en découle automatiquement que la proposition de loi incriminée n’est pas contraire aux procédures constitutionnelles et n’ajoute pas un moyen supplémentaire entraînant une nouvelle délibération sur la loi, en ce sens qu’il est impossible de considérer la loi incriminée comme un contournement des dispositions de la Constitution,
Considérant que le Conseil Constitutionnel se contente en ce qui concerne les tractations politiques, la stabilité législative, la réputation de la Chambre des députés ainsi que de la confiance en le régime politique et en les gens au pouvoir, conformément aux motifs invoqué dans le recours sous ce deuxième motif, par les points qu’ils a soulignés dans le cadre de son examen du principe de la stabilité législative, sous le premier motif ci-dessus.
Par conséquent et à la lumière de ce qui précède, le Conseil Constitutionnel considère que la loi incriminée ne porte aucunement préjudice à l’article 57 de la Constitution et ne détourne pas ses dispositions. Il convient par conséquent de rejeter ce motif également.
Le troisième motif : Concernant la violation de l’ensemble des droits constitutionnels du citoyen :
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime qu’il doit connaître de chaque article de la loi incriminée séparément, à l’instar du présent recours, pour qu’il puisse s’assurer de la constitutionnalité ou de l’inconstitutionnalité de chacun d’entre eux, d’autant plus que les Requérants ont allégué que ces articles violent l’ensemble des droits constitutionnels du citoyen, notamment ceux figurant dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme mentionnée à l’alinéa B du préambule de la Constitution ainsi que les autres principes constitutionnels :
1- Considérant que les Requérants allèguent que l’article 13 amendé en vertu de la loi incriminée consacre le droit de l’avocat général auprès de la Cour de Cassation de régler, de manière définitive, tout litige opposant une autorité non judiciaire au Parquet Général de la cour d’appel, au Parquet Général financier ou militaire en ce qui concerne l’octroi d’un permis de poursuite judiciaire lorsque nécessaire et que cette prérogative met l’individu, ses droits et ses libertés à la merci de l’autorité politique à laquelle il appartient, à travers le ministre de la Justice, de donner, au Parquet Général, des directives de poursuite ou de non poursuite judiciaire, ce qui est contraire au principe d’égalité du citoyen, de l’autorité et des gens au pouvoir devant la loi et à l’article 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime que la décision finale de poursuite ou de non poursuite judiciaire appartient à l’avocat général auprès de la Cour de Cassation, conformément aux procédures en vigueur, ce qui est conforme au principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire ainsi qu’au principe de la séparation des pouvoirs, qui sont des principes de base de la Constitution qui les consacre dans ses dispositions,
Considérant que la protection des libertés individuelles est garantie par la justice debout et la justice assise, conformément au principe d’unité de la justice judiciaire, ce qui a déjà été admis par le Conseil Constitutionnel français dans une décision célèbre, bien que la justice debout serait portée à préférer la protection de l’Ordre public à d’autres considérations :
- C.C. 93-323 D.C. 5 août 1993, R. p. 213.
Considérant que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français se base sur le principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles et estime que ce principe ne peut faire l’objet de violation si le législateur entoure les possibles atteintes à la liberté individuelle des garanties bien déterminées qui s’inscrivent toutes dans le cadre de l’intervention de la justice dans les plus brefs délais, comme il est le cas lorsque l’avocat général auprès de la Cour de Cassation se saisit de la poursuite pénale lorsqu’il tranche, de manière définitive, le litige concernant l’autorisation de poursuite judiciaire :
« … Le Conseil estime satisfait le principe de l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle, dès lors que le législateur entoure et accompagne les possibles atteintes à la liberté individuelle de garanties nombreuses et précises ; en particulier même, le respect du principe se réduite selon le Conseil, à prévoir l’intervention, à un moment donné, rapide si possible, du juge… L’existence d’un recours juridictionnel apparaît donc comme la seule exigence véritable qui s’impose au législateur ».
- Droit du Contentieux Constitutionnel – Dominique Rousseau-Montchrestien 4ème éd. (p. 233)
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime, outre ce qui précède, que l’autorisation requise pour la poursuite judiciaire est une procédure relative aux formalités de traitement entre les autorités judiciaires et les autorités non judiciaires et ne constitue pas une garantie contre la poursuite judiciaire. Elle ne porte également pas atteinte au principe d’égalité des citoyens et de l’autorité publique et ne confère pas à cette dernière certains privilèges qui mettraient en danger les droits et libertés des individus, étant donné que c’est la loi seule qui régit la méthode de poursuite judiciaire et qui lui pose les limites et garanties nécessaires et ce, conformément à l’article 20 de la Constitution.
Considérant que le Conseil Constitutionnel n’estime pas que l’article 13 amendé en vertu de la loi incriminée porte atteinte à la Constitution ou aux droits individuels consacrés aux pactes mentionnés dans le Préambule de la Constitution, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il convient par conséquent de rejeter le motif invoqué par les Requérants à cet égard.
2- Considérant que les Requérants reprochent à l’article 14 amendé en vertu de la loi incriminée qu’il confère à l’avocat général auprès de la Cour de Cassation le droit de mener une enquête lorsque nécessaire sans qu’il n’ait le droit d’intenter une action en justice, ce qui prolonge la durée des enquêtes préliminaires et des détentions sans motif aucun et ce qui est contraire à la présomption d’innocence consacrée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
Considérant que les motifs allégués dans le recours à cet égard ne sont pas justifiés par l’unité de la poursuite judiciaire et par l’unité du Parquet Général présidé par le Procureur Général auprès de la cour d’appel auquel la loi confère une autorité sur tous les magistrats du Parquet Général, y compris le Procureur de la République auprès du tribunal militaire, en ce sens qu’il appartient au Procureur Général auprès de la cour d’appel de donner à chacun d’entre eux des directives écrites ou verbales de faciliter l’action publique, de renvoyer, à chacun d’entre eux, selon sa compétence, les rapports et procès-verbaux d’un crime donné et de leur demander de mettre en mouvement l’action publique, conformément aux dispositions expresses des trois premiers alinéas de l’article 13 de la loi No. 328/2001 (Code de Procédure Pénale).
Considérant que l’exercice, par le Procureur Général auprès de la Cour d’Appel, de ces prérogatives, notamment celles de mener l’enquête lorsque nécessaire, ainsi que l’exercice, par les magistrats du Parquet, de leurs prérogatives sous la supervision du Procureur Général auprès de la Cour d’Appel, dont la prérogative d’intenter une action en justice, s’effectuent à la lumière des restrictions et garanties prévues par le législateur en vue de protéger les droits des individus, notamment ceux des justiciables. Le Conseil Constitutionnel ne considère aucune de ces procédures contraires à la présomption d’innocence protégée par la Constitution et consacrée à l’article 11 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Il convient par conséquent de rejeter ce motif dans ses deux volets.
3- Considérant que les Requérants reprochent aux articles 32, 42 et 47 amendés en vertu de la loi incriminée d’être contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme étant donné qu’ils prolongent la durée des détentions pour les besoins de l’enquête, ce qui est contraire à la présomption d’innocence consacrée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à l’article 5 de cette même Déclaration qui stipule que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et à l’article 8 de la Constitution qui stipule que « La liberté individuelle est garantie et protégée. Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi. Aucune infraction et aucune peine ne peuvent être établies que par la loi ».
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime qu’aucune relation causale ou organique n’existe entre la prolongation des durées et la présomption d’innocence ou les dépassements qui pourraient survenir tels que la violence, la torture ou les traitements dégradants tant que cette prolongation n’annule pas les garanties prévues par le législateur en vue de protéger les droits suspects et de respecter la présomption d’innocence qui les accompagne jusqu’à la fin du procès. Tout dépassement de la loi dans le cadre du traitement des suspects, quelle que soit la durée de la détention préventive qui n’est prolongée, dans tous les cas, que par faute de temps, constitue une infraction punie par la loi étant donné que nul n’est immunisé en cas de violation de la loi lors de l’exercice de ses fonctions, notamment si ces fonctions sont liées à l’enquête menée avec les suspects en vue dévoiler la réalité, de révéler les faits et de dénoncer les crimes sans arracher les aveux des suspects par le recours à la violence et à la torture morale ou physique non reconnus par les lois concernées,
Considérant que le Conseil Constitutionnel estime que les articles 32, 42 et 47 amendés en vertu de la loi incriminée ne portent pas atteinte aux droits, principes et pactes protégés par la Constitution. Il convient par conséquent de rejeter ce motif également dans tous ses aspects.
Par ces motifs,
Et après délibération,
Le Conseil Constitutionnel décide :
Premièrement : En la forme
De recevoir le recours en la forme étant donné qu’il a été intenté dans les délais légaux et qu’il remplit toutes les conditions de forme.
Deuxièmement : Au Fond
De rejeter le recours ainsi que la totalité de motifs invoqués et de considérer la loi incriminée totalement conforme à la Constitution.
Troisièmement :
De notifier les autorités compétentes ainsi que les Requérants de la présente décision et de la publier au Journal Officiel.
Décision rendue le 29 septembre 2001.