Décision No. 1/1999



Décision No. 1/99

Date: 23/11/1999

Articles en question

Constitution Art. 9

 

Recours No.: 1/99

Requérant: Cheikh Bahjat Gaith, en sa qualité de Cheikh Akl druze et chef religieux de la communauté druze.

Objet: Annuler la loi No. 127 du 25/10/1999 relative à la création du Conseil des Chefs de Wakfs Druzes et publiée au Journal Officiel No. 51 le 28/10/1999, vu son inconstitutionnalité.

Le Conseil Constitutionnel,

Réuni en son siège en date du 23/11/1999, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres: Adib Allam, Kamel Ridan, Michel Turkieh, Antoine Khair, Khaled Kabbani, Hussein Hamdane, Fawzi Abou Mrad et Salim Jreyssati.

Après lecture du libellé du recours, des documents annexés ainsi que du rapport du membre rapporteur daté du 13/11/1999,

Considérant qu'il appert que sa Bienveillance le Cheikh Bahjat Ghaith, en sa qualité de Cheikh Akl et chef religieux de la communauté druze a présenté un recours enregistré au greffe du Conseil en date du 04/11/1999 visant à Annuler la loi No. 127 du 25/10/1999 publiée au Journal Officiel No. 51 le 28/10/1999 et relative à la création du Conseil des Chefs des Wakfs Druzes et ce, en raison de son inconstitutionnalité.

Considérant que le Requérant a exposé les faits suivants :

1- La communauté druze avait, depuis sa naissance, une seule et même référence religieuse « Le Cheikh Akl ». Celui-ci détenait tous les pouvoirs religieux, notamment, la gestion et la supervision des affaires des grands Wakfs caritatifs druzes et pouvait disposer des revenus desdits Wakfs en vue de pourvoir aux besoins de certains membres de la communauté druze.

2- Telle était la situation jusqu’au 13 juillet 1962, date à laquelle deux lois ont été promulguées en même temps :

La première : relative à l’élection du Cheikh Akl

La deuxième : relative à la formation et à l’élection du Conseil Confessionnel de la communauté druze.

Le Requérant a remarqué que la loi relative à l’élection du Cheikh Akl avait institué ce dernier haut chef religieux de la communauté druze à vie et que la loi relative à la formation du Conseil Confessionnel qui s’occupe de la gestion des Wakfs caritatifs druzes l’avait également institué chef desdits Wakfs à vie.

3- Suite au décès de l’ancien Cheikh Akl, sa Bienveillance Mohammed Abou Chakra, le Requérant a été désigné Cheikh Akl en vertu d’une délégation écrite émise par son prédécesseur qui a été approuvée à l’unanimité par les membres de la communauté druze- y compris les hommes religieux et politiques- vu qu’aucune contestation ni réserve n’ont été émises. Par la suite, cette approbation a été consacrée par les relations permanentes entre le Requérant d’une part et les autorités officielles de l’Etat d’autre part et a été couronnée par la reconnaissance officielle de l’Etat de la qualité de chef religieux unique de la communauté druze du Requérant.

4- Le Requérant, en sa qualité susmentionnée, a exercé toutes les prérogatives et joui de tous les privilèges découlant de son importante position religieuse, à l’instar de tous les chefs religieux des autres communautés libanaises et ce, durant huit ans et jusqu’à ce jour. Il a également maintenu les Wakfs druzes à l’abri de toute violation, transgression ou oppression.

5- Cependant, la loi objet du recours dont les auteurs tentent de se débarrasser du contrôle exercé par le Requérant sur les Wakfs- tel que mentionné dans l’assignation du recours- a permis aux autorités politiques de la communauté druze de soustraire les Wakfs druzes à l’autorité du Cheikh Akl, seule référence religieuse depuis l’existence des Wakfs et ce, contrairement aux dispositions des documents du Wakf émis par leurs légataires, et partant, contrairement aux dispositions expresses de la loi et aux intérêts des membres de la communauté druze, seuls bénéficiaires desdits Wakfs.

Il appert que le Requérant, après avoir exposé les faits ci-dessus, a demandé de recevoir le recours en la forme étant donné qu’il a été intenté dans le délai légal et qu’il remplit toutes les conditions de forme, de considérer la loi objet du recours entachée du vice d’inconstitutionnalité et de rendre une décision visant à la suspendre et partant, à l’annuler. Ce faisant, il a invoqué les motifs juridiques suivants :

a- L’absence de qualité et l’incompétence des députés druzes – qui en ont élaboré les textes – à légiférer en matière de « Wakfs druzes » étant donné qu’il s’agit là d’un sujet purement religieux.

b- Subsidiairement, la loi a été ratifiée par la Chambre des députés à la majorité des voix, par des députés non druzes qui ne sont donc pas habilités à intervenir et participer à la prise de décision sur un sujet religieux propre à la communauté druze, ce qui constitue une violation claire et expresse des dispositions de l’article 9 de la Constitution libanaise et des dispositions de l’article 1 de la loi du 13 juillet 1962 relative à l’élection du Cheikh Akl druze.

c- Les auteurs de la loi ont également violé les principes de liberté et de démocratie puisqu’ils n’ont pas accompagné sa promulgation de causes déterminantes et se sont contentés de certaines dispositions transitoires qui autorisent, de manière exceptionnelle et vu l’absence de Conseil Confessionnel – bien que la loi sur la création d’un Conseil Confessionnel existe – la création du premier Conseil des Chefs des Wakfs druzes, … en vertu d’un décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Premier Ministre.

d- La loi objet du recours est contraire au principe d’autonomie de la communauté druze représentée par son chef religieux (sa Bienveillance le Cheikh Akl) et annule les lois qui régissent les affaires relatives à ses Wakfs et associations caritatives puisqu’elle confère les prérogatives de contrôle et de tutelle des Conseils Confessionnels à un comité provisoire formé de députés druzes (article 12 de ladite loi).

e- L’article 10 de la loi objet du recours est contraire aux dispositions de l’article 174 de la loi sur la propriété foncière (décision No. 3339 du 12/11/1930).

Conformément à ce dernier motif, le Requérant demande d’annuler la loi objet du recours ou du moins, l’article 10 de ladite loi.

Sur base de ce qui précède,

Premièrement : En la forme

1- La qualité du Requérant pour intenter le présent recours :

Considérant que le Requérant demande l’annulation de la loi No. 127 du 25/10/1999 relative à la création du Conseil des Chefs des Wakfs de la communauté druze, en sa qualité de Cheikh Akl et chef religieux de la communauté druze.

Considérant que l’article 19 de la Constitution a limité le droit de saisir le Conseil Constitutionnel pour le contrôle de la constitutionalité des lois au Président de la République, au Président de la Chambre, au Président du Conseil des ministres ou à dix membres de la Chambre des députés, ainsi qu'aux chefs des communautés reconnues légalement.

Considérant que la communauté druze, conformément aux lois en vigueur, notamment la loi du 13/07/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze reconnue légalement est représentée par son chef religieux, le Cheikh Akl.

Considérant qu’il est donc nécessaire de savoir si le Requérant, Cheikh Bahjat Gaith, jouit de la qualité de Cheikh Akl de la communauté druze et, par conséquent, de la qualité de chef religieux de ladite communauté.

Considérant qu’il appert des documents produits en annexe avec le libellé du recours ainsi que des faits actuels, que le Cheikh Bahjat Ghaith a été désigné Cheikh Akl de la communauté druze le 23/10/1991, qu’il a pris en charge et de manière effective le poste de Cheikh Akl et que c'est en cette qualité que l'Etat, les autorités officielles, religieuses et civiles ainsi que les fidèles de la communauté druze ont traité avec lui sans contestation ni réserve.

Considérant que, indépendamment de la légitimité de la désignation du Cheikh Bahjat Ghaith, Cheikh Akl de la communauté druze ou la légalité de son attribution des tâches relatives à la fonction de Cheikh Akl de la communauté druze en vertu de la délégation émise par le Cheikh Akl de la communauté druze, Cheikh Mohammed Abou Chakra en date du 23/10/1991, Cheikh Bahjat Ghaith a pris en charge et de manière effective le poste de Cheikh Akl et a assuré la continuité du service religieux et du Wakf de la communauté druze.

Considérant que le principe de continuité d’un service public est un des principes généraux du droit admis par la jurisprudence administrative et que le Conseil Constitutionnel le considère comme étant un principe ayant valeur constitutionnelle.

Considérant que, à supposer que Cheikh Bahjat Ghaith ne jouit pas de la qualité requise par la loi ni des prérogatives nécessaires pour exercer la fonction de Cheikh Akl de la communauté druze, étant donné qu’il n’a pas été élu conformément aux dispositions de la loi du 13/07/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze, toutes les apparences montrent qu’il jouit effectivement de la qualité légale et réglementaire qui rend raisonnable ou apparemment acceptable l’exercice de ses fonctions ou sa désignation ; par conséquent, ses actes sont légitimes.

Considérant que par conséquent, Cheikh Bahjat Ghaith jouit de la qualité requise pour intenter le présent recours.

2- La recevabilité du recours en ce qui concerne son objet :

Considérant que l’article 19 de la Constitution limite l’exercice du droit de saisir le Conseil Constitutionnel accordé aux chefs des communautés religieuses reconnues légalement à des sujets bien déterminés qui sont le statut personnel, la liberté de conscience, l'exercice des cultes religieux et la liberté de l’enseignement religieux.

Considérant que l’objet du recours est l’annulation de la loi relative à la création du Conseil des Chefs des Wakfs de la Communauté druze, il convient donc de vérifier si ledit objet s’inscrit dans le cadre des objets prévus à la loi à titre limitatif et qui dont le droit de recours auprès du Conseil Constitutionnel revient aux chefs des communautés religieuses.

Considérant que la communauté druze est une communauté musulmane régie par des lois promulguées par le pouvoir législatif, dont la loi du 13/07/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze ainsi que la loi du 13/07/1962 relative à la création du Conseil Confessionnel de la communauté druze, à l’instar des autres communautés religieuses musulmanes.

Considérant que le décret-loi No. 18 du 13/01/1955 relatif à l’organisation de l’office du Mufti et des Wakfs musulmans ainsi que la loi No. 72/67 du 19/12/1967 relative aux affaires de la communauté musulmane chiite au Liban disposent ce qui suit :

Article 1 – Décret-loi No. 18/55

« Les musulmans sunnites jouissent d’une autonomie totale en matière religieuse et en matière de Wakfs caritatifs… »

Article 1 – Loi No. 72/67

« La communauté musulmane chiite jouit d’une autonomie en matière religieuse et en matière de Wakfs et institutions…»

Considérant que l’Article 1 de la loi du 13/07/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze dispose ce qui suit :

« La communauté druze jouit d’une autonomie en matière de religion, de Wakfs et d’institutions caritatives en ce sens qu’elle est elle-même chargée de leur organisation et gestion conformément aux dispositions spirituelles, aux privilèges confessionnels ainsi qu’aux lois et règlements qui en sont inspirés et ce, à travers des représentants hautement qualifiés appartenant à ladite communauté. »

Considérant que l’article 2 de la loi du 13/07/1962 relative à la création du Conseil Constitutionnel de la communauté druze et qui prévoit les prérogatives dudit Conseil inclut au rang de ces prérogatives le contrôle des Wakfs druzes.

Considérant qu’il appert de l’ensemble de ces textes, qui sont clairs et explicites, que les affaires des Wakfs s’inscrivent au coeur des fonctions assumées par les confessions et sont considérées, par conséquent, comme un sujet religieux bien que leur activité soit d’ordre foncier et financier.

Considérant que la loi sur le statut personnel de la communauté druze promulguée en vertu de la loi du 24/02/1948 a consacré son Chapitre 19 aux Wakfs, ce qui signifie que les affaires relatives aux Wakfs s’inscrivent également dans le cadre des statuts personnels des communautés religieuses.

Considérant que le présent recours, en ce qui concerne son objet, peut être intenté par les chefs des communautés religieuses.

3- Le délai: Considérant que le présent recours a été intenté dans le délai légal et remplit toutes les conditions de forme, il est donc recevable en la forme.

Deuxièmement : Au fond

Considérant que le Requérant demande l’annulation de la loi No. 127 du 25/10/1999 relative à la création du Conseil des Chefs des Wakfs Druzes étant donné que ladite loi soustrait lesdits Wakfs à l’autorité religieuse et les confie à une autorité laïque, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 9 de la Constitution et à l’article 2 de la loi sur la création du Conseil Confessionnel de la communauté druze promulguée le 13/07/1962 qui garantissent à ladite communauté, à travers son chef religieux, son autonomie dans la supervision, gestion et exploitation de ses Wakfs caritatifs, indépendamment de l’autorité politique.

Considérant que l’article 9 de la Constitution stipule ce qui suit :

« La liberté de conscience est absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l’Etat respecte toutes les confessions et en garantit et protège le libre exercice à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l’ordre public. Il garantit également aux populations, à quelque rite qu'elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. »

Considérant qu’il appert du texte susmentionné la neutralité de l’Etat en matière de religion et que celui-ci reconnaît l’autonomie des communautés religieuses dans la gestion de leurs affaires et intérêts religieux. Par conséquent et vu leur autonomie, les confessions et communautés religieuses indépendantes qui s’occupent de l’enseignement et des oeuvres de charité, jouissent également de la personne morale.

Considérant que les Wakfs caritatifs relèvent du statut personnel des communautés religieuses, s’inscrivent dans le cadre des intérêts religieux desdites communautés et sont régis, notamment en ce qui concerne les communautés musulmanes, par les règles et dispositions légales relatives à ce sujet.

Considérant que la Constitution reconnaît, aux communautés religieuses également, des droits différents prévus aux articles 10, 24 et 95 de la Constitution, notamment, son article 19 qui confère aux chefs des communautés religieuses reconnues légalement le droit de saisir le Conseil Constitutionnel, ce qui implique la reconnaissance de la Constitution de la personne morale dont jouissent les communautés religieuses d’une part et de leur autonomie dans la gestion de leurs affaires d’autre part et par conséquent, de leur droit à défendre leur autonomie et intérêts religieux.

Considérant que les législations et lois établies par la Chambre des députés et relatives à l’organisation des affaires des différentes communautés ont consacré cette autonomie prévue par la Constitution, à l’instar des lois concernant la communauté druze. En effet, l’article 1 de la loi du 13/07/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze prévoit ce qui suit, à l’instar des lois concernant les autres communautés religieuses :

« La communauté druze jouit d’une autonomie en matière de religion, de Wakfs et d’institutions caritatives en ce sens qu’elle est elle-même chargée de leur organisation et gestion conformément aux dispositions spirituelles, aux privilèges confessionnels ainsi qu’aux lois et règlements qui en sont inspirés et ce, à travers des représentants hautement qualifiés appartenant à ladite communauté. »

Considérant que, s’il appartient au législateur d’annuler une loi en vigueur ou d’amender les dispositions de ladite loi sans que ceci ne constitue une violation de la Constitution ou ne soit sujet au contrôle du Conseil Constitutionnel, il en est autrement lorsque l’annulation ou l’amendement portent atteinte aux libertés ou droits ayant valeur constitutionnelle.

Considérant que le législateur se base sur les libertés et droits fondamentaux lors de l’élaboration des textes de loi, il ne peut donc pas amender ou annuler les lois en vigueur qui garantissent lesdites libertés sans les remplacer par des textes les garantissant de manière encore plus complète, ou du moins, de la même manière. En d’autres termes, le législateur ne peut affaiblir les garanties précédemment adoptées à l’égard d’un droit ou d’une liberté fondamentale en annulant ces garanties sans les remplacer par d’autres ou en les remplaçant par des garanties plus faibles et moins efficaces.

Considérant que la loi No. 127/99 objet du recours prévoit la création du Conseil des Chefs des Wakfs Druzes et charge ce dernier de la gestion de ses Wakfs dans un cadre réglementaire dans lequel elle a déterminé l’étendue et les limites des prérogatives de ce Conseil. Cette même loi a également placé le Conseil, ses membres et ses actes sous le contrôle du Conseil Confessionnel et a soumis ses décisions à son approbation préalable (articles 1 et 2 de la loi No. 127/99).

Considérant que l’article 3 de la loi susmentionnée a chargé le Conseil Confessionnel de la communauté druze qui est élu par les membres de la communauté druze elle-même, de la désignation des membres du Conseil des Chefs des Wakfs Druzes parmi les personnes jouissant de l’éducation, l’expérience et la compétence requises et fait preuve de leurs compétences en matière de gestion.

Considérant que le Conseil Confessionnel de la communauté druze et conformément à la loi du 13/07/1962 relative à sa création, s’occupe des affaires laïques et financières de la communauté, y compris, des affaires relatives à ses Wakfs, la représente sur le plan social, veille à l’amélioration de son niveau et préserve ses droits,

Considérant que la loi No. 127/99, y compris tous ses textes et dispositions qui amendent ou annulent – de manière implicite – les dispositions de la loi sur la création du Conseil Confessionnel de la communauté druze (loi du 13/07/1962), prévoit les prérogatives dudit Conseil et comprend des textes et des dispositions qui garantissent l’autonomie de la communauté druze dans la gestion de ses affaires personnelles prévue à l’article 9 de la Constitution, notamment en ce qui concerne la gestion de ses Wakfs.

Considérant que la création du Conseil des Chefs des Wakfs de la communauté druze ne prive pas les fidèles de la communauté druze du droit de gestion de leurs intérêts religieuses et relatifs aux Wakfs de manière autonome et ne porte pas atteinte à la position et importance du Cheikh Akl de la communauté druze, que ce soit en ce qui concerne sa présidence du Conseil Confessionnel ou sa qualité de chef religieux et de représentant de la communauté druze, étant donné qu’il jouit du même statut religieux dont jouissent les autres chefs spirituels.

Considérant que la création du Conseil des Chefs de la Communauté Druze en vertu de la loi No. 127/99 n’est pas contraire au principe constitutionnel de l’autonomie de la communauté druze reconnue légalement au Liban, surtout que ledit Conseil ne jouit pas d’un pouvoir décisionnaire d’une part et que d’autre part, ses actes et décisions sont intimement liés et totalement soumis au Conseil Confessionnel druze qui est chargé également de la désignation de ses membres. Par conséquent, la création du Conseil des Chefs de la Communauté Druze ne soustrait pas les Wakfs de la communauté à l’autorité religieuse et n’est donc pas contraire aux dispositions de la Constitution.

Considérant que le Chapitre 3 de la loi No. 127/99 comprend des dispositions provisoires, à caractère exceptionnel, visant à remédier aux cas de vacance résultant de l’absence de Conseil Confessionnel chargé des responsabilités prévues aux lois en vigueur et que lesdites provisions qualifiées de provisoires par le législateur confortent la règle et le principe d’autonomie de la communauté druze dans la gestion de ses affaires et intérêts religieux et relatifs aux Wakfs.

Considérant que l’article 11 de la loi No. 127/99 figurant sous le titre « Dispositions Provisoires » stipule que le président, vice-président, secrétaire, et directeur des Wakfs du premier Conseil des Chefs des Wakfs Druzes sont élus pour une durée de cinq ans en vertu d’un décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Premier Ministre et ce, de manière exceptionnelle, en raison de l’absence de Conseil Confessionnel.

Considérant que s’il appartient à la Chambre des députés de déléguer au Conseil des Ministres la prérogative de désigner le premier Conseil des Chefs des Wakfs Druzes, contrairement à l’article 3 de la loi No. 127/99 qui confère au Conseil Confessionnel, ce droit qui conforte l’autonomie de la communauté dans la gestion de ses Wakfs, et ce, de manière exceptionnelle vu l’absence de Conseil Confessionnel et pour assurer la continuité du service public religieux, la désignation du premier Conseil pour une durée de cinq ans, à savoir pour une durée égale au mandat du Conseil titulaire prévu à l’article 8 de la loi No. 127/99 ôte à ce texte le caractère provisoire et porte par conséquent, atteinte au principe d’autonomie de la communauté druze prévu à la Constitution.

Considérant que l’article 12 de la loi No. 127/99 complète l’article 11 de ladite loi étant donné qu’il prévoit la création d’un comité provisoire formé de députés druzes pour exercer les prérogatives de contrôle et de tutelle qui appartiennent au Conseil Confessionnel jusqu’à ce dernier soit élu ou nommé, ce qui conforte le caractère provisoire de deux articles susmentionnés, pour que les institutions titulaires, qui doivent être reconstituées conformément aux lois en vigueur, jouissent de leurs prérogatives de manière naturelle et pour préserver l’autonomie de la communauté druze et le principe prévu à la Constitution.

Considérant que l’article 12 de la loi No. 127/99 stipule la possibilité d’élection ou de désignation du Conseil Confessionnel de la communauté druze contrairement au principe d’élection prévu au Chapitre 2 de la loi du 13/07/1962 relative à la création du Conseil Confessionnel de la communauté druze.

Considérant que le fait de remplacer le principe d’élection qui représente la garantie fondamentale de l’autonomie de la communauté druze par le principe de désignation ou du moins, le fait d’ouvrir la voie à la désignation, constitue une violation de ce principe prévu à l’article 9 de la Constitution. Considérant que les dispositions provisoires des articles 11 et 12 de la loi No. 127/99 sont, en ce qui concerne la désignation du Conseil des Chefs religieux pour une durée de 5 ans et la possibilité de désigner le Conseil Confessionnel, contraires à la Constitution.

Considérant que les autres dispositions de la loi No. 127/99 du 25/10/1999 ne sont pas contraires à la Constitution et qu’il convient de rejeter la totalité des motifs invoqués en ce qui concerne les lois spéciales ou les prérogatives législatives de la Chambre.

Par ces motifs,

Le Conseil Constitutionnel décide :

Premièrement : De considérer les termes suivants : « pour une durée de cinq ans » figurant à l’article 11 de la loi No. 127/99 contraires à la Constitution ainsi que nuls et non avenus.

Deuxièmement : De considérer les termes suivants : « ou la désignation » figurant à l’article 12 de la loi No. 127/99 contraires à la Constitution ainsi que nuls et non avenus.

Troisièmement : De considérer la loi No. 127/99, à l’exception des termes susmentionnés, non contraire à la Constitution.

Quatrièmement : De notifier les autorités officielles compétentes de la présente décision et de la publier au Journal Officiel.

Décision rendue le 23 novembre 1999.