Décision No.8/2000



 

Décision No. 8

Date : 8/12/2000

 

Recours No. : 8/2000

Le Requérant : Khaled Daher, candidat battu au siège sunnite de Akkar, première circonscription du Nord (Akkar, Dennieh et Bécharré), au cours des élections législatives de l’année 2000.

Les Défendeurs : Jamal Ismail, Mohammed Yahya, députés élus pour les sièges sunnites de la circonscription susmentionnée.

Objet : Recours en invalidation de la députation des Défendeurs.

 

Le Conseil Constitutionnel,

Réuni en son siège en date du 8 décembre 2000, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres Houssein Hamdan, Faouzi Abou Mrad, Salim Jreyssati, Sami Younes, Afif Mokaddem, Moustapha Mansour, Gabriel Syriani et Emile Bejjani.

Vu l’article 19 de la Constitution,

Et après lecture du libellé du recours ainsi que du rapport des membres rapporteurs,

Il appert que le Requérant, Khaled Daher, candidat battu au siège sunnite de la première circonscription du Nord (Akkar, Dennieh et Bécharré) a présenté un recours auprès du Conseil Constitutionnel, représenté par son avocat, en date du 26/09/2000, enregistré au greffe du Conseil Constitutionnel sub No. 8/2000 visant à contester la validité de l’élection de MM. Jamal Ismail et Mohammed Yahya, députés élus pour les deux sièges sunnites de Akkar, première circonscription du Nord, au cours des élections législatives du 27/08/2000 et demandant de recevoir le recours en la forme et au fond, de convoquer les témoins en vue d’entendre leur déposition et d’invalider la députation des deux Défendeurs. Le Requérant a allégué ce qui suit :

- Les deux Défendeurs ont eu recours à des moyens illégaux pour tenter d’influer sur les votes des électeurs avant et au cours du processus électoral et ce, à travers des dons pécuniaires ou matériels tels que le ciment ou les pierres ponces ou encore en creusant des puits. Ces dons et travaux ont eu une incidence significative sur les élections en ce sens que le Requérant a obtenu 23 935 voix alors que le premier Défendeur, Jamal Ismail, a obtenu 36 897 voix et le deuxième Défendeur, Mohammed Yahya, a obtenu 33 849 voix.

- Le Requérant n’insiste pas sur le grand écart qui existe entre les voix obtenues par chacune des parties, étant donné que les dangereuses et graves irrégularités commises portent atteinte aux obligations et droits civils et ne se limitent pas à un nombre restreint d’individus mais s’étendent à la totalité de la circonscription électorale, y compris les organismes, associations et chefs des municipalités. Le Requérant a produit, en annexe de son assignation, une liste des noms des témoins ainsi que des dépositions écrites faites par des individus qui ont perçu de l’argent ou obtenu des biens matériels et par d’autres qui ont refusé d’en prendre.

 

- Par leurs actes, les Défendeurs ont commis une violation grave de la Constitution qui prévoit la liberté d’expression (article 13) et sont passibles des peines prévues aux articles 329 et suivants du Code de Procédure Civile.

Il appert que le Défendeur, Mohammed Yahya, a présenté des conclusions responsives en date du 16/10/2000 visant à répondre au recours intenté par le Requérant et à le rejeter en la forme étant donné qu’il est intenté contre deux députés élus et subsidiairement, à le rejeter pour invalidité des motifs invoqués ou pour absence de preuves. Le Défendeur a allégué ce qui suit :

En la forme : Un député battu ne peut intenter un recours en invalidation de la députation de deux députés élus, que cette contestation soit faite en vertu d’un recours soit unique ou en vertu de deux recours indépendants et ce, étant donné que l’article 46 de la loi No. 243/2000 relative au règlement intérieur du Conseil Constitutionnel prévoit que : « le recours en invalidation de la députation d’un député élu peut être intenté par tout candidat battu dans sa circonscription électorale ». Ledit article n’est pas contraire à l’article 24 de la loi No. 250 relative à la création du Conseil Constitutionnel et qui prévoit ce qui suit : « Le Conseil Constitutionnel est chargé d’examiner la validité de la députation d’un député élu… et ce, en vertu d’un recours intenté par le candidat battu ». Il appert de ce texte que le député battu ne peut intenter un recours en invalidation de la députation d’un député que contre un seul député et qu’il vise, en vertu de ce recours, à remplacer le député élu dont il conteste la députation, en ce sens qu’il ne peut remplacer deux députés élus dont la députation est contestée en vertu d’un seul recours. A la lumière de cette conjoncture, il est impossible au Conseil de déterminer quel député dont l’élection est contestée est visé par le recours, surtout que le Conseil ne peut invalider la députation de deux députés en faveur d’un seul candidat concurrent. Par conséquent, il convient de rejeter le recours en invalidation de la députation de deux députés en faveur d’un seul candidat battu en la forme que ce soit pour absence de rigueur de la demande ou vu que le recours en invalidation de la députation de plus d’un député porte atteinte à l’ensemble du processus électoral, ce qui s’inscrit hors du cadre de la compétence du Conseil Constitutionnel.

Et subsidiairement, au fond : les allégations du Requérant en ce qui concerne les actes qui ont influencé le processus électoral sont dénuées de tout fondement et les factures ainsi que les documents produits par ce dernier sont invalides et ne peuvent être invoqués.

Il appert que le Défendeur, Jamal Ismail, a présenté des conclusions responsives en date du 16/10/2000 visant à répondre au recours intenté par le Requérant, à le rejeter en la forme et subsidiairement, à le rejeter au fond et à obliger le Requérant au paiement de tous dépens, dommages et intérêts et honoraires d’avocats. Le Défendeur a allégué ce qui suit :

En la forme : l’article 46 de la loi No. 243/2000 prévoit que : « le recours en invalidation de la députation d’un député élu peut être intenté par tout candidat battu dans sa circonscription électorale ». L’article No. 31 de la loi No. 250/93 amendée en vertu de la loi No. 150/99 prévoit que : « le Conseil décide de la validité ou de l’invalidité de la députation contestée », ce qui signifie qu’un député battu ne peut intenter un recours en invalidation de la députation de deux députés élus et que seul le candidat concurrent battu dans sa circonscription électorale peut intenter ledit recours. Il ressort des deux textes de loi susmentionnés qu’un député battu ne peut intenter un recours que contre un seul député élu, qui est celui qui a obtenu un nombre de voix directement supérieur à celui obtenu par le candidat battu. Or, Khaled Daher a obtenu 23 934 voix, Jamal Ismail, 36 897 voix et Mohammed Yahya, 33 849 voix, ce qui signifie que ce dernier est celui qui a obtenu le nombre de voix le plus proche de celui obtenu par le Requérant, suivi par le député élu, Wajih Baarini. Ainsi, le député élu, Jamal Ismail, a obtenu un nombre de voix supérieur à celui obtenu par les députés Wajih Baarini et Mohammed Yahya. Par conséquent et sur base de ce qui précède, le Requérant n’a pas respecté les procédures du recours intenté auprès du Conseil Constitutionnel, sachant qu’il s’agit là de procédures exceptionnelles et impératives qui ne peuvent être sujet à aucune violation ou interprétation.

Et subsidiairement, au fond : le recours est invalide, les motifs allégués sont dénués de tout fondement et les dépositions ainsi que les factures produites par le Requérant sont invalides et ne peuvent être invoquées pour les motifs suivants :

- Abdul Menhem Khouwaylid est le représentant de par M. Issam Farès et n’est aucunement lié au Défendeur.

- Nasri Diab Ali a aidé Jamal Ismail sur demande de M. Tammam Salam.

- Les dépositions produites sont toutes faites par des habitants de la localité de Bnin dont le Requérant est originaire et toutes les voix qu’il a obtenues de ladite localité sont celles assurées par M. Assad Harmouche.

Enfin, toutes les dépositions produites sont fausses et sans valeur aucune et le recours reste limité à de simples allégations dont aucune n’est mentionnée dans les procès-verbaux et comprennent des empreintes digitales sans mention du nom de la personne les ayant apposées ou du doigt avec lequel l’empreinte digitale a été apposée. Par ailleurs, certaines de ces dépositions contiennent un espace vide, ce qui implique qu’elles ont été faites en série et que les différents individus étaient uniquement tenus de les signer.

D’autant plus que l’écart entre les voix est presque égal à 13 000 voix, ce qui signifie que même en ajoutant aux voix obtenues par le Requérant le nombre des personnes ayant signé les dépositions produites par ce dernier, la différence restera largement en faveur de Jamal Ismail. Il appert que le Requérant, Khaled Daher, a soumis un mémoire en date du 19/10/2000, invoquant des motifs supplémentaires qui étayent, selon ses propos, la validité de son recours. Lesdits motifs peuvent être résumés comme suit :

- La liste des électeurs n’est pas conforme aux registres du Statut Personnel étant donné que les listes électorales adoptées pour les élections du 27/08/2000 sont les mêmes que celles qui ont été adoptées pour les élections de 1996, que les individus qui étaient décédés entre-temps n’ont pas été rayés et que les jeunes qui ont atteint leurs 21 ans n’ont pas vu leurs noms inscrits audites listes électorales.

- Les listes électorales comprenaient de nombreux vices, ce qui a privé plusieurs électeurs de l’exercice de leur droit d’élection.

- Falsification et usurpation de qualité étant donné que plusieurs morts ou expatriés de trouvant en dehors du territoire libanais ont voté, irrégularités dans le cadre du dépouillement des suffrages comme il en a été le cas dans le bureau de vote de Tourza, caza de Bécharré par exemple, pots-de-vin, dons pécuniaires et matériels, promesses et corruptions etc.

- Demande de convocation des témoins, de tous les Mukhtars et des chefs des municipalités de Akkar et Dennieh pour les entendre en tant que témoins.

Il appert qu’en date du 28/10/2000, le Défendeur, Jamal Ismail, a présenté ses conclusions responsives visant à rejeter les conclusions du Requérant datées du 19/10/2000 et à réitérer ses précédentes allégations et requêtes et qu’en date du 30/10/2000, le Requérant, Khaled Daher, a présenté à son tour ses conclusions en vertu desquelles il a réitéré ses précédentes allégations et requêtes et subsidiairement, a limité le recours en invalidation à la députation du député Mohammed Yahya.

Il appert que les rapporteurs avaient entendu, en date du 19/10/2000 le Requérant ainsi que les Défendeurs et que leurs allégations reprenaient alors celles figurant à l’assignation ainsi qu’aux conclusions.

Sur base de ce qui précède,

Premièrement :

En la forme :

1- Considérant que les élections de la première circonscription du Nord (Akkar, Dennieh, et Bécharré) ont eu lieu le 27/08/2000, que les résultats ont été proclamés en date du 28/08/2000 et que le présent recours a été intenté auprès du Conseil Constitutionnel le 26/09/2000, soit dans le délai légal prévu à l’article 24 de la loi No. 250/93 amendée en vertu de la loi No. 150/99 et à l’article 46 de la loi No. 243/2000, le présent recours est par conséquent intenté dans le délai légal et considérant que le Requérant a produit une procuration dûment signée par devant notaire, autorisant son avocat à intenter le présent recours auprès du Conseil Constitutionnel, le recours remplit par conséquent toutes les conditions de forme, il est donc recevable en la forme.

2- Considérant que le Requérant, Khaled Daher, a soumis, en date du 19/10/2000, un mémoire comprenant les motifs supplémentaires susmentionnés, il convient de le rejeter en la forme étant donné qu’il n’a pas été présenté dans le délai légal, conformément à l’article 25 de la loi No. 250/93 amendée en vertu de la loi No. 150/99.

Deuxièmement :

Concernant la recevabilité du recours en invalidation de la députation de deux députés élus :

Considérant que les Défendeurs demandent de rejeter le recours en la forme étant donné qu’il est intenté contre deux députés élus à la fois par un seul candidat concurrent battu, le Conseil ne peut annuler la députation de deux députés en faveur d’un seul Requérant battu et ce, conformément à la loi qui prévoit la possibilité d’annuler la députation d’un député élu et de le remplacer par un candidat battu.

Considérant qu’il s’agit par conséquent d’une fin de non-recevoir étant donné qu’elle se base sur l’absence de droit de former une demande au sens de l’article 62 amendé du Code de Procédure Civile qui prévoit également ce qui suit: «est considérée comme fin de non-recevoir également l’absence de qualité ou d’intérêt ». Il est possible de relier cet article à l’article 6 de cette même loi étant donné que la loi sur le Conseil Constitutionnel ne comprend pas un texte spécial qui régit ce type de fins.

Considérant que les fins de non-recevoir basées sur l’absence de qualité ou d’intérêt sont considérées comme des fins de non-recevoir liées au fond. Ce principe a été adopté par le législateur libanais qui l’a inscrit dans le cadre des fins reliées au fond qui peuvent être invoquées quelle que soit la nature du procès, tel que prévu à l’article 63 du Code de Procédure Civile et ce, contrairement aux exceptions de procédure qui doivent être invoquées avant de débattre du fond, tel que prévu à l’article 53 de la loi susmentionnée.

Considérant qu’il appert de ces textes que la différence entre les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir réside dans le fait qu’ils ne produisent pas les mêmes effets. Les fins de non-recevoir de procédure n’engagent le débat que sur la forme et doivent être invoquées au début du procès et avant de débattre du fond, alors que les fins de non-recevoir sont liées au fond et épuisent la juridiction du tribunal sur le fond du litige :

« Les effets procéduraux des fins de non-recevoir – Les fins de non-recevoir de procédure et les fins de non-recevoir liées au fond ne produisent pas les mêmes effets. Tandis que les premières n’engagent pas le débat sur le fond, les secondes, au contraire, ont pour résultat d’aboutir à un jugement qui épuise la juridiction du tribunal sur le fond même du litige ».

SOLUS et PERROT, Droit Judiciaire Privé, T.1, Ed. 1961 No. 319.

Voir également :

J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure Civile, 23e Ed. p. 128.

Considérant que, en principe, lorsqu’il appert que le Demandeur a qualité de se former une demande afin d’obtenir un droit, même si ce droit n’est pas prouvé de manière certaine, contre plus d’une partie adverse, il est difficile de le déterminer étant donné que certaines preuves relatives à son droit de former une demande ne sont pas disponibles de manière précise, mais peuvent le devenir au cours du procès grâce aux enquêtes que le tribunal peut ordonner, en sens que si le tribunal considère que les moyens de preuve présentés par le Demandeur sont recevables, le Demandeur peut former une demande contre plus d’un Défendeur directement liés au droit invoqué, à condition toutefois que le tribunal décide, sur base des preuves qui lui seront disponibles dans le cadre de l’affaire, lequel des Défendeurs sera tenu par son jugement ainsi que des résultats dudit jugement.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que tout recours en invalidation de la députation de deux députés élus ou plus aura pour seule et unique conséquence le fait de remplacer un seul député élu par un seul candidat battu soit à travers la rectification des résultats en procédant au recompte des voix, soit à travers des réélections et ce, étant donné qu’il appartient au juge de supposer, au cours de la phase d’étude des fins, que la partie concernée a le droit de former une demande afin d’obtenir un droit lorsque ledit droit est possible ou éventuel en ce qui concerne deux députés, de statuer sur le fond par la suite et de juger l’un d’eux après avoir statué sur le fond.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que la loi parle au singulier en ce qui concerne le recours intenté par un candidat battu contre un député élu dont la victoire a été proclamée étant donné que ceci n’est qu’un principe d’écriture adopté par le législateur dans le cadre de l’élaboration des lois générales, qu’il y ait un Demandeur ou qu’un Défendeur ou plus.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que l’article 46 de la loi No. 243/2000 ordonne de limiter le recours au député élu qui a obtenu le nombre de voix le plus proche de celui obtenu par le député battu et ce, puisque l’article 46 susmentionné est absolu et autorise tout candidat concurrent à intenter un recours, contrairement à l’article 38 de la loi No. 516/96, abrogée par la loi No. 243/2000, sachant que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel aurait reconnu la possibilité du recours quel que soit le Requérant et quelle que soit sa fonction.

Considérant que ces principes sont conformes aux principes d’égalité et de justice étant donné qu’il se peut que les voix obtenues par le candidat battu qui a présenté le recours d’une part et les deux député élus d’autre part, ce qui nécessite de se référer aux procès-verbaux officiels conservés par le Ministère de l’intérieur et que le Requérant pourrait ignorer, par conséquent, il n’est pas logique de rejeter son recours en la forme pour un motif qui est hors de sa volonté ou qu’il ignore, surtout s’il appert de l’examen des procès-verbaux officiels et de l’étude des nombres justes qui y existent que le vari candidat battu qui a obtenu un nombre de voix inférieures à celles du Requérant n’est pas le concurrent direct objet du recours mais le concurrent qui lui a précédé et qui a obtenu un plus grand nombre de voix.

Considérant qu’il est faux d’alléguer que le recours intenté contre deux députés élus épuise la juridiction du Conseil Constitutionnel en ce qui concerne son droit de remplacer un député élu par un candidat battu ou de procéder à des réélections puisque, que le recours soit basé sur le motif de différence des voix ou sur le motif d’irrégularités fondamentales commises dans le cadre des élections, il appartient au Conseil Constitutionnel de libérer le député ayant obtenu un certain nombre de vois lui permettant de gagner sans contestation aucune ou d’annuler l’élection dans le cas où il s’assure de l’existence d’irrégularités fondamentales. Dans ce cas, des élections pour un seul siège seront dûment organisées et ce, selon les circonstances et particularités de chaque affaire et en application des larges pouvoirs dont il jouit dans le cadre de son évaluation des faits, preuves et moyens de preuve.

Considérant qu’il n’y a pas d’intérêt à alléguer que le Conseil Constitutionnel a découvert que le vrai perdant est un concurrent contre lequel le recours n’a pas été intenté étant donné que l’effet de l’adversité englobe uniquement, au sens de la loi, les parties similaires dans l’affaire qui se disputent entre eux sur les faits et objets du litige, ce sont ces derniers uniquement qui sont affectés par le jugement, surtout que la juridiction du Conseil Constitutionnel, en tant que juge électoral, ne s’étend pas à l’annulation de l’ensemble du processus électoral.

Considérant que, sur base de ce qui précède, la demande de rejet du recours en la forme pour sa recevabilité ou son irrecevabilité est dénué de tout fondement juridique valide et il convient par conséquent de le rejeter.

Troisièmement : Au fond

Considérant que, dans le cadre de l’examen des recours électoraux, le Conseil Constitutionnel jouit d’une large juridiction sur l’enquête, sans que cette compétence ne porte atteinte à la règle générale en vertu de laquelle il incombe au Requérant de prouver ses allégations ou du moins, d’apporter une preuve ou un commencement de preuve pour étayer ses allégations.

Considérant que, sur base de ce qui précède et pour contester les élections, le Requérant allègue que les Défendeurs ont eu recours à des moyens illégaux à travers des dons pécuniaires et matériels visant à compromettre le choix des électeurs et a étayé ces allégations par la production d’une liste mentionnant les noms de cent quatre personnes et de plusieurs dépositions écrites faites par celles-ci attestant leur réception desdits dons, sachant que certaines d’entre elles les ont reçus alors que d’autres les ont refusés. Cependant, ces allégations et propos ne constituent pas une preuve suffisante attestant l’incidence que ces actes auraient eus sur les élections, en ce sens que l’écart entre les voix obtenues par le Requérant d’une part et le Défendeur, Jamal Ismail d’autre part s’élève à 12 963 voix alors que l’écart entre les voix obtenues par le Requérant et le deuxième Défendeur, Mohammed Yahya est de 9 915 voix et ce, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel à cet égard.

Considérant que de plus, les dépositions écrites ainsi que les factures produites manquent de sérieux en ce sens que certaines d’entre elles comprennent des empreintes digitales sans aucun nom mentionné et que d’autres contiennent un espace vide qui laisserait supposer que lesdites dépositions ont été faites en série, sachant que la jurisprudence judiciaire porte un regard extrêmement dubitatif sur les dépositions écrites préalablement élaborées étant donné que leur auteur, dans le cas où il est appelé à témoigner, ne fera aucune allégation contraire au contenu de sa déposition, ce qui met en doute ses propos futurs avant même de les entendre :

CARPENTIER, Vº ENQUETE, No. 812.

D.R.P., Vº ENQUETE, No. 206.

Considérant que l’allégation du Requérant que les irrégularités commises étaient flagrantes et s’étendaient sur la totalité du Caza de Akkar et que les représentants des Défendeurs circulaient parmi les villages, maisons, associations, Mukhtars et chefs de municipalités pour leur offrir argent et dons, ce qui a eu une incidence significative sur les résultats des élections, est ambiguë, générique et imprécise ce qui lui confère un caractère non sérieux, il convient par conséquent de la rejeter, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, sachant qu’il est admis que, quel que soit le degré de gravité de l’irrégularité et quelle que soit son étendue, elle ne devrait pas, en principe, entraîner l’annulation des élections lorsqu’il existe un grand écart entre le nombre de voix obtenues et lorsqu’il appert qu’elle n’a pas eu d’incidence déterminante sur les résultats des élections.

Considérant que le Requérant n’a apporté aucune preuve juridique susceptible d’aboutir à la modification du résultat de l’élection proclamé en ce qui concerne le siège susmentionné.

Par ces motifs,

Et après délibération,

Le Conseil Constitutionnel décide :

Premièrement : En la forme

De recevoir le recours en la forme étant donné qu’il a été intenté dans le délai légal et qu’il remplit toutes les conditions de forme.

Deuxièmement :

De rejeter la fin de non-recevoir du recours en invalidation de la députation de deux députés élus pour invalidité.

Troisièmement : Au Fond

De rejeter le recours intenté par M. Khaled Daher, candidat battu au le siège sunnite de Akkar, première circonscription du Nord (Akkar, Dennieh, Bécharré), au cours des élections législatives de l’année 2000.

Quatrièmement :

De notifier le Président de la Chambre des députés, le Ministère de l’intérieur ainsi que les parties concernées de la présente décision.

Cinquièmement :

De publier la présente décision au Journal Officiel.

 

Décision rendue le 8 décembre 2000.